Les JO sont reportés à 2021. C’est acté depuis hier. Pourquoi pas à l’automne 2020 ? Au printemps ou à l’été ? Quelles conséquences ? Quid des qualifications olympiques avortées ? Quelles options sont-elles possibles ? Les points des Mondiaux de Madrid annulés ? Beaucoup de questions restent en suspens. Et, pour les sportifs, cela peut totalement changer la donne. Le poids d’un an n’est pas le même à 35 ans qu’à 25. Quoiqu’il arrive, une chose est certaine : oubliez la standing olympique 2020.

Par Ludovic Mauchien / Photo : DR


C’était inéluctable mais seul le CIO ne voulait pas se rendre à l’évidence. Il a même fini par perdre la main. Des comités olympiques nationaux, des fédérations internationales et même nationales, de nombreux sportifs se sont prononcés avant lui : les Jeux, ce sera sans nous.

Les JO de Tokyo ont été officiellement reportés à 2021. Une décision lourde qui engendre d’énormes enjeux financiers, pour le CIO, mais aussi pour les fédérations nationales et les athlètes, mais une décision (tardivement) sage, sensée et logique. Et maintenant ?

Tokyo2021 : au printemps ou à l’été ?

Le CIO a déclaré qu’il se donnait « au moins 4 semaines » pour décider de la nouvelle date de tenue des Jeux. Deux hypothèses sont étudiées : le printemps et l’été 2021. « Nous allons étudier le calendrier des compétitions internationales (championnats du monde, championnats continentaux) dans le plus grand détail », a expliqué Christophe Dubi, le directeur des Jeux au CIO. Le printemps présente deux avantages : une météo plus clémente et des frais et dédommagements allégés (entretien des sites…) mais une problématique : Les JO entreraient en concurrence avec les championnats des sports collectifs (foot, basket…). Chaud ! 2e option : l’été prochain et pourquoi pas aux mêmes dates. Un report dont le coût a été estimé par un professeur d’économie de l’Université Kansai à 5,8 milliards d’Euros (pour un budget de 11,6 milliards d’Euros aujourd’hui). Du choix de la date dépendra le calendrier international et le mode de qualification des 33 différents sports concernés par les JO et, donc, du Karaté.

Pourquoi pas à l’automne 2020 ?

Pour des raisons purement économiques, les Japonais priorisaient un report à l’automne. Mais deux points sont apparus rédhibitoires pour cette hypothèse. A l’heure actuelle, 95% des pays n’ont pas encore connu le pic (a priori inéluctable) du coronavirus. Il est encore trop tôt pour planifier une quelconque sortie de crise sanitaire. Un report à l’automne aurait été sujet aux mêmes interrogations que pour les dates initialement prévues : les Jeux vont-ils pouvoir se dérouler ? De plus, un décalage de 6 mois ne permet pas aux sportifs de rattraper leur retard en termes de préparation. Les Jeux auraient été tronqués.

Karaté 2020 = Karaté 2021 ?

Même si elle est indiscutable, l’annonce est rude pour les champions de Karaté. Ils allaient disputer leurs 1ers (et pour l’heure derniers) Jeux olympiques de l’histoire. Depuis 2 ans, ils se donnent corps et âmes, au point d’en arriver exténués (voire blessés) avant même la fin des qualifs. Leurs fédérations, leurs clubs, ont budgétisé (souvent serré) jusqu’à l’été 2020, ils ont même parfois emprunté. Et il va falloir repartir pour un tour… Tout le monde le pourra-t-il ?... D’un autre côté, une année de plus à être olympique ne peut être que bénéfique pour l’ensemble du Karaté. Rappelons que les craintes existaient quant à l’après JO 2020. Cela assure un calendrier international et la potentialité de voir les sponsors prolonger leur bail d’un an.

Mais, sans même aborder le nerf de la guerre, le report d’un an peut avoir des conséquences sportives directes. Le poids d’un an n’est pas le même à 35 ans qu’à 25... 35, c’est l’âge de la star de notre sport, Rafaël Aghayev qui, comme beaucoup de trentenaires (Antonio Diaz, Luigi Busa, Sandra Sanchez Jaime…), aurait stoppé sa carrière si le Karaté n’était pas devenu olympique.

OK pour la qualification olympique ?... Impossible

Ca va ruer dans les brancards… Des voix vont s’élever, des larmes vont peut-être même couler… La déception, voire le découragement, vont poindre chez les athlètes qualifiés. Mais il est inconcevable, illogique, impensable que le classement final de la standing, établi avant le report des Jeux, reste d’actualité.

Pourquoi ? Parce que l’état d’urgence sanitaire a conduit à l’annulation de deux épreuves, l’une mondiale (le Karate 1 Rabat) et l’autre continentale (les championnats d’Europe). Le parcours n’est donc pas achevé et certains athlètes auraient pu se qualifier en cas de bons résultats (il a manqué 7,5 points à Chatziliadou, 400 à El Sawy…)

Mais surtout, car nous n’en sommes plus là, achever un parcours de qualification en mars 2019 pour une compétition qui se déroule au minimum un an plus tard est tout simplement ubuesque. Comme la situation est exceptionnelle, on peut tout envisager, y compris l’improbable et l’exceptionnel. Mais, pour l’heure, un obstacle demeure : le règlement du CIO stipule qu’un ranking olympique doit commencer maximum 1,5 an avant la tenue des Jeux et que les points attribués ne peuvent compter à 100% que l’année précédant les JO (d’où les ½ points attribués).

La qualification, quelles options ?

Evidemment, tout va dépendre de la date choisie pour les JO 2021. Mais une chose apparaît d’ores-et-déjà certaine : les points attribués aux Championnats du monde de Madrid en 2018 ne peuvent qu’être remplacés par ceux qui le seront aux Championnats du monde 2020 à Dubaï, du 18 au 22 novembre (si, bien évidemment, la pandémie de coronavirus est endiguée et qu’ils se déroulent comme prévu). Vu que les Mondiaux sont l’unique compétition à coefficient 12, cela change toute la donne au classement.

La logique doit aussi s’appliquer aux championnats continentaux. Pour l’Europe, la question ne se pose pas puisque l’édition 2020 a été annulée (en mars à Bakou). Mais les derniers Panams ont été disputés en mars 2019 et les Championnats asiatiques en juillet 2019 (les prochains devaient avoir lieu début septembre). Pour des JO en juillet-août 2021, soit 2 ans après, les points apparaissent peu crédibles.

Bref, la logique pousserait à repartir de zéro au niveau des championnats continentaux. Une occasion en or pour harmoniser le calendrier ? Pourquoi ne pas fixer une date unique pour tous ? Résumons… Mondiaux en moins, championnats continentaux en moins, cela commence à faire beaucoup…

Prenons l’option la plus crédible : les JO se tiennent à l’été 2021. La logique voudrait que le circuit de qualification olympique soit tout simplement repoussé d’un an, qu’il soit un calque de celui de 2019-2020. Une occasion en or de gommer les imperfections vues lors de la 1ère mouture (calendrier déséquilibré, voire surchargé, problématique du jet lag (Tokyo puis Santiago puis Moscou en un mois), clarté de la standing) ?

Quid des Karate 1 ? C’est là que le nœud devient gordien ! Une application stricto sensu du règlement du CIO ferait repartir la standing 2021 à partir du 6 avril 2020. Sauf que, pour cause de confinement, toutes les compétitions sont annulées pour des mois. Ce point du règlement sera peut-être abordé et exceptionnellement modifié vu les circonstances. Mais, dans ce cas, à quand dater le début des qualifications ? Septembre 2019 ? Janvier 2020 ? La différence ? 3 Premier League et 1 SeriesA. Et comment prendre en compte les points acquis avant ces dates ? En les comptabilisant à 50% ou pas du tout ?

Une autre option consisterait à repartir de zéro, par exemple, à compter des championnats du monde de Dubaï, avec un Premier League par mois, jusqu’à avril ou mai 2021, soit 5 ou 6 tournois. Mais elle apparaît comme la moins probable de toutes même si, à circonstances exceptionnelles, décision exceptionnelle.

Si les JO devaient se tenir au printemps, cela ne changerait pas fondamentalement le problème mais cela éliminerait l’hypothèse « on repart de zéro » et, surtout, cela repousserait éventuellement dans le temps le début de la standing (avril 2019 ?). Des championnats continentaux pourraient alors être pris en compte. Une fois que le CIO se sera décidé sur le printemps ou l’été, il sera temps de redessiner le calendrier. Mais, leçon du jour, on oublie la standing olympique officialisée avant la pandémie du coronavirus. Elle n’est plus d’actualité.