Il y a 20 ans jour pour jour, Michaël Milon nous disait au revoir. Mais ce n’était pas un adieu. Aujourd’hui encore, l’ange blond est toujours présent. Son charisme, son sourire éclatant, sa façon de vivre le Kata ont traversé les âges et pénétré les générations.

Pourquoi est-il éternel ? Pour quelles raisons était-il et reste-t-il une référence ultime ? Comment façonne-t-on une légende ? Les témoignages de ses proches que nous avons recueillis pour lui rendre hommage nous éclairent. Episode 1 : qu’avait-il de si spécial ? Flashback sur la légende.

Par Ludovic Mauchien et Florian Fournier / Photos : Denis Boulanger / DR


Peu de champions ont autant marqué l’histoire de leur sport. Peu ont autant imprimé leur sceau sur une discipline. Pelé, Mickaël Jordan, Jonah Lomu (…) ont laissé une trace indélébile en foot, basket, rugby. Ils ont brillé, ils ont gagné, ils ont révolutionné leur sport.

Michaël Milon (1972-2002) est de cette trempe. Champion du monde en 1994, 1996 et 2000, vainqueur de la Coupe du monde en 1993, 95 et 97, multiple champion d’Europe, en individuel comme en équipe, le Français a certes marqué les esprits par son impressionnant palmarès, mais il a surtout façonné sa légende par sa manière d’être sur et en dehors du tatami, son approche du haut niveau et sa quête de la perfection. Dans les années 90, il a révolutionné le Kata. Plus rien ne sera comme avant. Voici pourquoi.

Junior Lefèvre : « Sur le tapis, c’était un killer »

Champion du monde Kumite, international Kata

« J’ai connu pas mal de champions, Michaël était au-dessus de tout le monde. Il avait une aura… Il déménageait ! Il était cool à l’extérieur mais, sur le tapis, c’était un killer. J’aimais bien. J’avais l’impression qu’il était dans un combat.

Michaël avait cette capacité à extérioriser sa puissance. C’était phénoménal. Il était 2 étages au-dessus. Il était visuellement beaucoup plus explosif. C’est le pionnier à ce niveau-là. Il a eu cette dynamique qui sortait de l’ordinaire. Avant lui, on travaillait les Katas chacun dans son groupe de style, JKA, SKIF… Lui a mis beaucoup plus en avant l’explosivité. Cela sortait de la ligne habituelle.

Aux Mondiaux 96, à Sun City, j’avais 18 ans et 2 jours. Je m’arrêtais, comme tout le monde, pour regarder Michaël et Abe (Ndlr : « son » sempiternel adversaire). Ils sortaient du lot.

En 1998, le voir revenir en force après sa blessure, c’était impressionnant. Qui a eu un genou en miettes et est revenu à un tel niveau sur une si courte échéance ? Seul lui pouvait le faire car il avait un mental de fer ».

 Milon 1994

 En 1994, Michaël Milon remporte le 1er de ses 3 titres de champion du monde.

 

Serge Chouraqui : « Il savait prendre possession du tapis »

Son entraîneur en équipe de France et au SIK

« Pour moi, c’est lui qui a révolutionné le Kata de compétition. Il avait soulevé quelque chose qui existait beaucoup moins à l’époque : le rythme, l’intensité, l’émotion. On dit souvent que l’émotion, cela ne se voit pas. Non seulement cela se voit mais cela se ressent.

Il avait cette particularité d’électriser l’ensemble des acteurs : les compétiteurs, les arbitres, le public. Tout le monde était subjugué par ce qu’il montrait. Quand on parle d’un combat imaginaire contre plusieurs adversaires, avec lui, le combat n’était pas imaginaire. Il était absolument réel et sincère. J’ai la chair de poule à en parler…

Ce qu’il présentait était nouveau. On n’avait jamais vu ça, techniquement, physiquement, dans intensité. Il y avait une combativité et une technique exacerbées. C’était extraordinaire. Même les Japonais le regardaient. Quand il passait, il faisait peur à tout le monde.

Quand il était sur le tapis, il se transformait. C’était une pile. On avait l’impression que toutes les contraintes, toutes les idées noires disparaissaient. Il savait prendre possession du tapis, du moment et de l’instant.

Selon moi, il n’a pas été égalé car c’était quelqu’un d’exception qui avait appréhendé le Karaté avec un tel sérieux, une telle volonté. Pour l’instant, je n’ai pas vu mieux ».

Alain Auclert : « Il n’y en avait qu’un pour aller aussi vite »

Entraîneur national Kata (1996-2012), entraîneur de « sa » Ligue et au KC Châteauroux

« Il a influencé le Karaté à l’époque. Au niveau des qualités physiques, il a amené quelque chose que les autres n’avaient pas, c’était la vitesse. Il avait une super technique et il était capable, en allant vite, de ne pas la casser. Sa technique était toujours impeccable.

Aujourd’hui encore, tout le monde le copie mais il n’y en a pas un qui est capable de faire aussi bien en allant aussi vite. Il n’y en avait qu’un pour pouvoir aller aussi vite. Sa technique était pinaillée, il allait jusqu’aux plus petits détails, depuis les appuis au sol. Toute la forme était impeccable ».

Milon hommage REC

Denis Boulanger : « Les gens s’arrêtaient de respirer »

Photographe de sports de combat depuis plus de 30 ans

« Quand Michaël arrivait, les gens s’arrêtaient de respirer. C’est simple, tu t’arrêtais et tu regardais. Tout le monde l’attendait. Je me rappelle Coubertin plein à craquer et, quand il arrivait sur le tapis, il n’y avait plus un bruit dans la salle ! Il avait un truc, ce truc. C’était du grand art. Il avait tout pour lui. Son charisme… !!!

J’ai pas mal travaillé avec lui. Je me souviens d’une séance que l’on a terminé à 3h du mat’. Je ne sais pas combien j’ai fait d’images ! A chaque fois, il était persuadé qu’il n’était pas nickel, la jambe tendue, le bras bien tendu parallèle à sa jambe et le poing bien en Hikite. Tant qu’il n’était pas certain de ce qu’il avait fait, on recommençait. Michaël, c’était la perfection, le charisme, le talent, la gentillesse ».

Hassan Fekkak : « Le seul à combiner les 5 éléments (du) Kata »

7e Dan, champion du monde Kata JKA, son ami

« Michaël était une machine, un grand travailleur, avec beaucoup de rigueur et de discipline. Il était très attentif, parfois à l’excès, à son alimentation et à son poids de forme. Il s’entraînait 4 à 5 h par jour entre karaté, musculation et préparation physique générale.

Depuis, j’ai vu d’autres karatékas exceller au niveau mondial, mais Michaël n’a jamais été égalé. Il était le seul à combiner les 5 éléments essentiels dans l’exécution de son Kata : charisme, maîtrise technique, stabilité, vitesse, explosivité ».

Yves Bardreau : « Il est à l’origine de l’athlétisation du Kata »

Entraîneur national, son partenaire en équipe de France Kata

« Michaël avait une explosivité que les autres n’avaient pas. Allier à sa technique, qui était exceptionnelle, cela a fait la légende que nous connaissons. Il est à l’origine de l’athlétisation du Kata. C’est le premier qui a su allier parfaitement le côté traditionnel et le côté sportif et c’est ce qui a déstabilisé les Japonais et les autres à l’époque.

Michaël, c’était un personnage, un mec qui dégageait une aura incroyable. Aujourd’hui, mis à part Kiyuna, Michaël serait encore devant les autres. Il était tellement dans la recherche de la perfection que son Karaté et son personnage traversent les époques. Avec le Karaté qu’il produisait, il serait toujours un concurrent redoutable ».

 A SUIVRE...

Milon 01 OK

Photo : Denis Boulanger