C’est l’un de nos grands champions de Kyokushinkaï. Multiple champion d’Europe, vainqueur du All American Open, Antonio Tusseau est depuis le week-end dernier champion de France de Karaté Mix.

Surdoué des tatamis, il est aussi un passionné du combat. Sa curiosité l’a menée à tâter de la Boxe thaï, du Kick, de l’Anglaise, du MMA… Il a trouvé dans le Karaté Mix un bon… mix. Il nous raconte son adaptation pour passer du Kyoku au sol.

Par Ludovic Mauchien / Photos : Denis Boulanger/FFK + DR


Il a remporté son 1er titre de champion d’Europe en 2014, à 22 ans, en poids moyens. En 2017, année où il est devenu le 1er Français à gagner le All American Open, c’est chez les lourds qu’il était sacré sur le continent.

En 2019, il parvient à intégrer le Top 16 du World Open Tournament, la grand-messe du Kyokushin qui se tient tous les 4 ans à Tokyo, un exploit quand on pèse dans les 85 kg.

A 30 ans (31 le 19 mai), l’élève de Jacques Legrée à l’ACBB a combattu pour la 1ère fois dans un autre style, avec succès puisqu’il est devenu champion de France de Karaté Mix dimanche dernier à Paris. Et pour le coup, le style était vraiment différent de son travail habituel. Une adaptation qu’il a entamée avant le Covid et qu’il nous décrypte.

Antonio Tusseau, champion de France de Karaté Mix. Si on nous l’avait dit…

J’ai toujours pratiqué à côté du Kyokushin, mais je ne retrouvais pas le côté famille que j’avais à l’ACBB. A une époque, j’ai testé beaucoup d’arts martiaux et de sports de combat différents. Boxe anglaise, Boxe thaï, MMA, Grappling… Et je continue. Récemment, j’ai voulu essayer le Kudo.

Je ne me suis jamais vraiment préparé pour une compétition mais j’ai toujours eu un petit niveau. Dimanche dernier, c’était mon 1er combat. Je devais combattre en Boxe thaï il y a 2 ans mais c’était le week-end où le confinement a commencé.

Pas trop compliqué de s’habituer aux coups de poing au visage ?

J’ai toujours fait un peu de Boxe anglaise avec des amis. Quand je me suis sérieusement mis au pieds-poings avec coups au visage, il m’a fallu 3 mois pour m’adapter, être à l’aise et retranscrire mon Kyokushin avec des coups au visage.

En fait, il existe des coups de poing au visage en Kyokushin, dans le Kihon, les Bunkaï et les Katas. En compétition, l’idée est d’être incassable physiquement et mentalement

L’Anglaise, c’est vraiment particulier. J’aime beaucoup mais, pour prendre du plaisir en compétition, il aurait fallu que je commence il y a 10 ans car il y a beaucoup de subtilités techniques. Il y a très peu de mouvements en fait : crochet, uppercut et direct, au corps et à la tête. C’est un travail très dur pour moi. Je recherche plus de libertés, un grand panel de techniques. Le MMA, c’est super car on a une grande liberté.

Qui dit MMA, dit lutte, transitions, distances différentes. Comment travailles-tu ces « nouveaux » aspects ?

Je m’entraîne 2 fois par semaine avec les professeurs du club de Vanves, où je donne des cours, et leurs combattants. L’un est un champion de Judo qui s’est mis au MMA, un autre est vice-champion du monde amateur de Muay thaï. Je fais aussi du sparring avec le prof de Jiu Jitsu/Luta Livre.

Pendant le confinement, je donnais mon cours en visio puis je faisais 5 rounds de 5 minutes avec lui le matin et, l’après-midi, j’allais m’entraîner au MMA Factory (à Paris).

En plus, j’avais une alimentation stricte. Je voulais prendre du poids. Il est hors de question que je retourne à un World Open à 85 kg. J’en ai marre de perdre parce que mon adversaire me prend 10 kg et me pousse plus fort. Donc, la prochaine fois que j’irai à un World Open (2023), c’est à 95 ou 100 kg.

Où as-tu le plus progressé ?

En lutte. Cela s’est vu dimanche. Le combattant que j’affronte en finale avait étranglé son 1er adversaire en 10 secondes et il avait gagné contre le 2e en 1 minute. Je me débrouille au sol mais si j’ai un expert en face de moi, cela peut être compliqué. Et, au final, cela ne l’a pas été tant que ça.

Quand j’étais au sol, je maintenais les positions, sachant qu’il n’y a pas de ground and pound au Karaté Mix. J’ai l’habitude d’en faire. Quand je fais du MMA, je ne cherche pas les soumissions. J’essaie de trouver des positions hautes et de frapper en ground and pound. C’est assez instinctif.

Quelle tactique privilégies-tu en combat ?

Je fais un peu de tout. Cela dépend du combattant en face. J’aime bien le clinch. Pourquoi ? Parce que c’est la distance Kyoku. On a les poings, les coudes qui peuvent partir. Et j’arrive à développer beaucoup de force de près. C’est marrant car, parfois, des gens disent qu’en clinch, tu ne peux pas mettre KO. Ah bon ! Quand on a l’habitude de frapper de près, il y a de l’impact.

Les coups de genou en clinch, c’est beaucoup plus facile puisqu’en Kyokushin, où l’on a des saisies mais on ne peut pas tenir la jambe plus de 2 secondes. En K Mix, on a plus de temps. C’est un plaisir. On a l’impression de taper 3 fois plus fort. C’est comme ça que j’ai gagné mon 1er combat. Comme on n’a pas droit aux coups de genou à la tête au Karaté Mix, j’ai mis des bons coups de genou au corps. C’était bien, ça.

Tu t’es bien éclaté alors au Karaté Mix ?

J’ai adoré ! Pour ma 1ère, c’était bien. Et l’événement était super bien organisé. Chapeau ! Les horaires étaient respectés, les arbitres étaient super attentifs à l’intégrité physique des combattants.

Au début, cela m’a fait bizarre, d’autant plus que mon 1er combat était dans la Cage. Ce n’est pas le même rythme. En Kyoku, c’est plus dur mentalement parce que ça frappe sec, dur, et pendant longtemps. Ce n’est pas pour autant que tu as envie de te prendre des coups de poing dans la tête. Tu es donc plus attentif en Karaté Mix.

Les distances sont différentes. Et il faut être bon dans les transitions. Mais je ne suis pas trop mal dans les transitions debout/lutte, c’est assez instinctif parce que la distance ressemble au Kyoku. Après, il y a des choses similaires. Un low-kick, c’est un low-kick.

Je me suis bien éclaté, surtout en finale. Même avant la décision, j’étais super satisfait d’avoir combattu. J’avais passé un super moment, avec mes coachs du jour, Romain Anselmo et un ami de longue date du Kyokushin.

Raconte-nous ta finale.

Je n’ai pas combattu dans la Cage mais sur l’aire entourée de boudins gonflables. J’ai pu envoyer un peu plus mes jambes. J’étais super lucide si ce n’est que je fais un balayage et je fais un marquage comme en Kyokushin au lieu de suivre au sol.

J’ai réussi à faire des défenses de take-down, comme je l’avais travaillé. Au sol, finalement, je ne suis pas si mauvais. J’ai contré 2-3 belles actions de mon adversaire. A la dernière seconde, il a failli me guillotiner mais j’avais ma main près de ma gorge. J’étais serein.

Je pense que c’est la phase pieds-poings qui m’a fait gagner, même si j’ai réussi un renversement et deux amenés au sol.

Comment vois-tu l’avenir ?

Je projette de combattre en MMA, c’est sûr. En 2012, j’en parlais déjà. En 2019, dans ma tête, le plan était de combattre en pieds-poings (Boxe thaï, Kick-boxing) et, petit à petit, de passer au MMA. Mais le Covid a explosé mes projets et je suis passé directement au MMA.

J’ai aussi envie de faire du pieds-poings mais je n’ai pas non plus fini ma carrière en Kyokushin. Je ne peux pas trop m’éparpiller. Mon problème, c’est le temps. J’ai 30 ans, je suis plus près de la fin que du début.

Tes ambitions en Kyoku ?

J’ai envie de retourner le plus possible combattre au Japon, au All Japan et au World Open, et aussi d’envoyer des élèves. J’ai envie de gagner le championnat d’Europe dans une nouvelle catégorie. En +90 kg, cela peut être un beau challenge. Il y a aussi l’European Open que je n’ai jamais remporté. Je vais essayer de regagner le All American Open. C’est vraiment un kif de combattre à New York. J’adore combattre là-bas ! Et, aussi, j’aimerais passer mon 3e Dan, cela fait 7 ans que j’ai mon 2e Dan.

 

Voir aussi vidéo :

https://www.facebook.com/AntonioTusseauKyokushin/videos/353552849854583

 

 cage 1

 Pour la 1ère fois, une Cage a été utilisée lors des championnats de France de Karaté Mix.