En 2013, Francis Didier attaque son 4e mandat de président de la FFK. Depuis sa 1ère licence en 1964, il aura vu et contribué à faire passer le Karaté du « coup qui tue » statique à un sport moderne dynamique. Il ne manque plus que l’ultime consécration olympique.

Elle survient le 3 août 2016, à Rio. Francis Didier, qui a vécu les échecs de 2005 et 2009, est au Brésil. Il jubile. Puis il va de nouveau prendre de plein fouet une douche froide. Le 21 février 2019, le COJO des JO 2024 ne retient pas le Karaté pour les Jeux à Paris. Tout est à refaire…

5e et dernier épisode de cette saga consacrée à Francis Didier : 2013-2020, le Karaté et les Jeux olympiques, je t’aime moi non plus…

Par Ludovic Mauchien / Photos : DR


 

Ÿ 2016 : « Rio : le Karaté franchit une grande marche »

« La porte s’ouvre et bang ! Je la prends dans le nez ! Elle s’ouvre à nouveau, je la reprends dans le nez ! Quand tu la prends 3 ou 4 fois dans le nez… (il rit), tu es content quand tu y es ! C’était la fin d’un parcours assez long mais ce n’était pas une finalité puisque nous attendions de continuer notre bataille pour que l’on soit dans le définitif, c’est-à-dire dans les 28.

Cela signifie être reconnu par les autres, par le milieu des 28 (sports olympiques). C’est une reconnaissance du Karaté vis-à-vis des autres. C’est le Karaté qui passe dans un autre monde, pas moi. Je m’associe au projet, mais c’est le Karaté qui prend de la noblesse. Quand on va au Comité international olympique, on fait partie du groupe des fédérations olympiques.

Le Karaté franchit une grande marche. C’est un autre monde, que l’on ne voit pas tout de suite. Moi, je le vois, mais la masse ne le voit pas tout de suite. Les retombées sont plus tardives. Cela marche au ralenti. Le CIO, c’est comme un rouleau compresseur qui ne s’arrête pas. Cela marche tous les 7 ans. La vitesse de marche n’est pas la même que la nôtre.

Exemple, en 1964, le judo est en démonstration à Tokyo. Pourquoi ? Parce que tous les membres du CIO ont voulu, en mémoire de Jigoro Kano, qui a été le 1er Asiatique élu au CIO, et qui a fait beaucoup de choses. C’est lui qui, en 1938, a voulu que les Jeux de 1940 restent à Tokyo.

Il prend son bateau pour Le Caire et il va défendre son beefsteak. On décide de maintenir les JO malgré les problèmes. Kano décède sur le bateau. Ils seront annulés à cause de la guerre. En 64, à la mémoire de Kano, ils mettent le Judo ».

Ÿ 2019 : « Paris 2024… C’est non compréhensible ! »

« Cette décision est une non compréhension ! J’ai tout de suite pensé à Tony Estanguet, un sportif 3 fois médaillé olympique. D’ailleurs, il devrait se souvenir que le canoë-kayak en eau vive avait été annulé en 2000, mais que le COJO de Sydney est revenu sur sa décision et, grâce à cela, il a été 3 fois champion olympique. Il n’y a pas de colère, il y a que nous n’avons pas eu d’explications.

Pour nous, Karatékas, c’est non compréhensible ! Pour tout le monde, c’est incompréhensible que le Karaté ne soit pas à Paris 2024 ! On est porteur de médailles... Et pourquoi ne pas choisir l’un des 5 sports qui étaient déjà dans le parcours à Tokyo ? Ils auraient aussi pu choisir 5 ou 6 sports et attendre que le CIO fasse son choix définitif en décembre 2020.

Il y a des raisons quand même. Ce n’est pas le COJO qui commande, ni Estanguet, c’est le CIO. Thomas Bach veut introduire des nouveaux sports dans son programme des 28. Comme il a du mal à mettre 29 ou 30 sports dans le programme définitif, dans les sports additionnels, il ajoute des sports qui viennent plutôt du FIS (Festival International du Sport extrême) ou des X Games. Ce sont des sports qui sont suivi par des followers… »

Ÿ 2020 : « Tokyo, je suis dedans tous les jours »

« Je ne suis pas en train de me projeter, puisque je suis dedans tous les jours. Etre olympique, cela change tout dans la façon de voir ! Il faut à la fois diriger la Fédération de Karaté traditionnel et, à côté, il y a la toute petite parcelle qui, pour le lambda, parait être la seule mais, en fait, c’est une caravane qui marche seule, avec une réglementation à part. 80 athlètes qualifiés dans le monde entier, 3 catégories hommes et 3 femmes, un ranking WKF, puis le « standing », le ranking du CIO, qui correspond au marquage des points dans les 7 compétitions de Premier League et les championnats continentaux.

Avant, on avait un championnat d’Europe, maintenant, on en a 8 ! Nos athlètes, avec les entraîneurs et le DTN, calculent la stratégie. Participer ou non, se reposer car sinon ils seraient vite cassés… Cela change complètement la vision.

Avec tout ça, le temps passe à une vitesse grand V. Tokyo, pour moi, c’est demain. On est déjà en train de préparer des points de repli. On va aller sur Niigata avant d’aller à Tokyo. Il y a toute une stratégie à mettre en place.

Avant, il y aura le TQO à Paris (Tournoi de qualification olympique, 6-8 mai). Si le TQO est une réussite, on aura certainement des retombées. N’oublions pas que Thomas Bach a déclaré que la décision définitive interviendrait en décembre 2020.

A Tokyo, je m’attends à une fête. Cela sera très réussi avec les Japonais qui organisent. Mais, pour nous, l’objectif est d’avoir les médailles ! D’ailleurs, c’est une des facettes qui nous donnera raison. La presse s’en emparera peut-être en disant au COJO : « mais vous n’avez pas pris le Karaté alors qu’ils vous ont fait des médailles ? ! C’est incompréhensible ! ». Le boomerang risque de revenir par là ».

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