Champion du monde en 2000 à Munich (-70kg), multiple médaillé mondial et européen, le Belge Junior Lefèvre est une figure incontestée du Karaté mondial. Reconnu pour ses qualités techniques et physiques, dévoué à son art martial, il a entraîné plusieurs nations et est aujourd’hui le coach de l’Angleterre. Il a choisi de nous raconter sa demi-finale de Munich contre le Français Rida Bel Lahsen qui reste son « best fight ».

Par Florian Fournier / Photos : D.R


 

En 2000, à Munich, engagé sous la bannière croate, Junior Lefèvre devient champion du monde des -70kg, bien que sa finale contre le Sénégalais Fodé Ndao reste un souvenir mémorable de sa carrière, c’est sa demi-finale face à Rida Bel Lahsen qu’il a souhaitée nous raconter.

« C’est un combat mémorable de par l’enjeu de la compétition et la qualité de mon adversaire et du combat. Rida était un grand champion. Cette année-là, il est vice-champion d’Europe et termine 3e de ces mondiaux.

Ce combat est d’autant plus spectaculaire que le score et le scénario ont régalé le public. Je mène au score, Rida remonte, on est à 5-5. Je parviens à marquer le dernier point qui me qualifie pour la finale (à l’époque les combats se terminaient à 6 points).

A mon sens, la victoire s’est jouée sur celui qui a le moins hésité. Pour revenir à 5-5, Rida m’a contré mais je n’ai pas hésité derrière pour reprendre l’initiative alors que, lui, a dû hésiter une fraction de seconde entre attaquer ou contrer et c’est cet instant qui fait basculer le combat.

C’est un championnat du monde. C’est donc un combat que j’ai préparé comme un dingue. Je m’entraînais comme un acharné (3-4 heures par jour). Certains week-ends, je faisais deux compétitions à différents endroits pour affronter tout le monde. Il était donc impossible pour moi de perdre cette demi-finale et ces championnats du monde.

Mais cette demi-finale est particulière. Lors des grandes compétitions, je bloquais souvent à ce niveau soit par manque d’expérience, soit par contact (disqualification). Je me devais de m’appliquer et de réussir à surmonter ce blocage. Pendant le combat, je sentais que je prenais le dessus mentalement. J’avais de bonnes sensations et cela m’a permis de me libérer. Quel que soit le score, je reste serein et sûr de mon fait.

J’ai vécu cette victoire comme une libération. Elle m’a libéré d’un poids. Je l’ai vécue comme une finale. Je me suis d’ailleurs écroulé par terre. Même mon père qui a vécu le combat près du tatami était comme un fou. C’est dire si cette victoire est précieuse. En la comparant à 2002, où je perds en finale, je n’ai pas ressenti le même bonheur après ma demi-finale. Celle de Munich est unique et le restera. Je pense que si Rida m’avait battu, cela aurait été la fin du monde pour moi.

Durant ce combat, je suis resté moi-même, je connaissais les points forts de Rida comme lui connaissait les miens. Cependant, spécifiquement sur ce combat j’avais un avantage sur Rida, c’est de comprendre les consignes qu’on lui donnait alors que lui ne comprenait pas celles de mon coach. Ensuite, je suis resté très offensif et à chaque fois que je tentais une technique, je marquais.

Aujourd’hui, je me sers encore de ce combat quand je coache. Désormais, on parle beaucoup de tactique et de stratégie. Mais, en voulant être trop stratège, les karatékas deviennent « inoffensifs ». Trop de combats se terminent à 0-0 ou 1-0 et, après, les karatékas regrettent de ne pas avoir assez attaqué ou d’avoir pris l’initiative trop tard. Mon message est donc clair et il rejoint ma demi-finale de Munich : plus vous tentez, plus vous avez de chance de marquer et donc de gagner. Si vous tentez 20 fois, vous avez 20 chances de marquer alors que si vous tentez 1 fois vous avez qu’1 chance de marquer ».

 

Le combat Junior Lefèvre vs Rida Bel Lahsen :