Quintuple championne du monde, la Française Alexandra Recchia est le deuxième volet de cette série « my best fight ». Présente sur le circuit international depuis plus de 10 ans, elle a choisi de nous parler de sa finale des Championnats du monde à Bercy (Paris) en 2012 devant 15 000 spectateurs. Vainqueur 8-1 contre la Chinoise Hong Li, ce combat fait partie de l’histoire, de son histoire et reste aujourd’hui un moteur de sa carrière.

 Par Florian Fournier / Photo : Kphotos


 

Dimanche 25 novembre 2012. Alexandra Recchia va disputer la finale des championnats du monde -50kg à domicile devant 15 000 personnes. Stressée, elle se souvient que cette journée n’a pas commencé de la meilleure façon. La suite, tout le monde la connaît. Le toit du monde n’attendait qu’elle.

« Emotionnellement, c’est un moment très fort. Le matin, je me suis réveillée en stress, je suis arrivée vers Yann Baillon (son coach de l’époque, aujourd’hui directeur des équipes de France) en pleurant. J’ai le souvenir de lui demander de m’aider. Il n’avait pas l’habitude de ce genre de situation, il a été pris de cours. Mais comme la finale était à 14h, nous avons eu le temps de gérer ce moment délicat pour que j’arrive sereinement sur le tatami.
Une fois arrivée à Bercy, tout a été différent. Je me suis retrouvée. Dès l’échauffement, la machine était en route. Le stress envolé, les choses sérieuses commençaient. L’heure H approchait. Entendre mon nom scandé par le public m’a énormément aidé. C’est quelque chose, quand même, 15 000 spectateurs qui scandent votre nom ! »

« Pour l’anecdote, juste avant le combat, dans le couloir, Yann me parle, m’encourage, etc, pour faire descendre la pression. A un moment, il me dit : « pas de stress » et je lui réponds « y a point S », comme dans la publicité de l’époque. Plutôt décontenancé, il me demande de répéter. Je lui réponds la même chose car je trouvais ma blague drôle. Voyant qu’il ne captait pas, je suis repartit dans ma bulle.

Quand l’arbitre dit Hajime, la première chose que je me dit, c’est : « fais-toi plaisir ». La tactique ce n’est pas vraiment mon point fort. Sur ce combat, je n’avais pas de stratégie à proprement parler. Quand je suis trop tactique, cela me joue des tours. Mon unique plan était de mettre en place mon Karaté, de prendre le centre et de saisir toutes les opportunités, en réaction comme en attaque.

Le combat démarre mal. Elle score en premier. Cela ne me déconcentre pas. Puis je réussis à me lâcher et j’enquille 8 points. Ils se sont enfilés comme des perles. J’en marque un, deux, je rentre un balayage, ce qui me donne confiance. Je me dis : « c’est bon, c’est pour moi, je vais le faire ».

Le tournant de ce combat est quand j’inscris mon premier point. Je la touche légèrement au visage et les Chinois apprécient peu les contacts. Là, je sens que je prends l’ascendant sur elle. J’ai encore en tête cette action. Je crochète sa jambe avant de partir gyaku zuki au visage. Je vois sa tête légèrement vaciller. Ensuite, je ne l’ai pas laissé respirer. C’est un combat où j’ai eu peu de déchet.

Le Yame a libéré toutes mes émotions. Pendant toute cette compétition, j’étais un robot qui marchait droit vers son objectif sans se soucier de rien. Ma fracture au poignet au premier tour, les coups de mes adversaires, rien ne m’a écarté dans la conquête de ce titre. Et quand j’ai libéré mes émotions, c’était un mélange de plusieurs sentiments qui m’ont fait pleurer pendant près de deux heures.

Si je devais changer une chose à ce combat, ce serait le point concédé à mon adversaire. Gagner 8-0 en finale des championnats du monde, qui n’en rêve pas ? Mais cette victoire me satisfait pleinement. Vouloir plus, ce serait presque de la prétention. Ma victoire 8-1 est magnifique et je la garde tel quelle.

Je me sers de ce combat dans ma visualisation pour être la meilleure possible. Il me permet de me rappeler des émotions positives et fortes qui m’aident à aborder de nouvelles échéances. Il va de soi que je me sens tout à fait capable de refaire ce combat, et même mieux. Je m’entraîne dur pour vivre encore d’autres combats comme celui-ci. Je sais qu’il va venir ».