Champion du monde, champion d’Europe, multiple médaillé national, ex coach sportif d’un célèbre télé crochet, on ne présente plus Christophe Pinna. Karatéka spectaculaire dans une époque où les combats étaient moins stéréotypés, le Français revient sur son dernier combat pour son « My Best Fight ». A Munich (Allemagne), c’est contre l’Italien Davide Benettello que cette joute s’est produite. Plus qu’un simple combat, c’est l’aboutissement d’une carrière et une histoire d’homme qui s’est déroulé ce jour-là. Il est devenu champion du monde !

Par Florian Fournier / Photo : D.R


 

Comme le dit l’adage, on garde le meilleur pour la fin et cela se confirme avec Christophe Pinna. Dans ce nouveau numéro de « my best fight », le Français nous raconte cette magnifique finale de la catégorie Open qui s’est déroulée à Munich en 2000 face à l’Italien Davide Benetello.

« Ce combat, je m’en souviens comme si c’était hier. Le 14 octobre 2000, à Munich, dans un stade immense où il y avait plusieurs milliers de spectateurs, je m’impose 5-0 face à Davide Benetello et je deviens champion du monde Open à 33 ans. C’est un souvenir qui reste gravé dans ma mémoire non seulement par la grandeur du titre mais surtout par les sensations que je ressentais ce jour-là. Comme le disent les études, j’étais dans ma zone. Cet état du sportif qui se sent invulnérable, qui voit tout au ralenti, qui voit les coups venir 1 seconde avant…

Je me sentais tellement bien dans ce combat qui, de surcroît, était mon dernier, qu’à 5-0, j’ai décidé de profiter de mes derniers instants sur un tatami plutôt que de chercher à marquer le 6e point qui aurait clôturé le combat avant son terme. Me sentant intouchable, je voulais aller jusqu’au bout du temps.

Ce qui rend ce combat si grand pour moi vient aussi de mon histoire et de mon parcours. Je courrais derrière ce titre de champion du monde depuis des années. Devenir champion du monde à ma dernière compétition, c’était un rêve de gosse qui se réalisait. Je voulais gagner en Open car, pour moi, c’était le titre ultime. Pour faire le parallèle avec 1994, où je finis 3e, en demi-finale contre Idrizi, à quelques secondes de la fin, je baisse les bras pour le narguer et je prends une jambe à la tête qui me fait perdre le combat. Alors, pour ce combat contre Davide, même à 5-0, je me suis dit : « reste cool, profite de ton combat, il ne peut pas revenir si tu restes sérieux ».
Je dois rajouter que nous sommes seulement deux à avoir gagné le titre mondial en Open en France. Le premier, Emmanuel Pinda, était mon idole. Ce sont tous ces symboles qui en font mon meilleur combat.

Pour l’anecdote, le 14 octobre 2000 en regardant le calendrier je vois que c’est la saint-Juste et je me suis dis que si la vie était bien faite, ce serait juste que je remporte ce titre après toutes ces années à courir derrière.

Mais il faut comprendre aussi que ce combat, c’est une histoire d’hommes entre Claude Pettinella et moi. Quand Claude était entraîneur de l’équipe de France, nous avons fais le pari, après ma blessure en 98-99 où je suis resté 8 mois avec des béquilles, où j’ai subi les huées de Coubertin aux Internationaux de France pour mon retour, de réussir ce pari de devenir champion du monde pour ma dernière sortie avec l’équipe de France.

A l’époque il n’y avait pas de réseaux sociaux et les interview karaté étaient rares. Le public ne connaissait pas ma blessure et ces huées m’avaient touchées. Claude est arrivé dans le vestiaire, on a parlé et c’est de là qu’est née notre complicité qui nous a emmenés jusqu’à Munich. Claude habitait Martigues et l’on s’entraînait tous les jours ensemble. C’était dur, c’était fort, et cette médaille, on la partage à deux. D’ailleurs, les larmes de Claude quand je gagne témoignent de l’intensité de notre préparation. Il a transformé une aventure sportive en aventure humaine. Et c’est peut-être ce côté humain qui a fait la différence par rapport aux éditions précédentes.

Enfin émotionnellement, c’est assez paradoxal car on peut voir sur les images que je n’explose pas de joie. Je prends Davide Benetello dans mes bras, je lui fais une bise pour le réconforter. D’ailleurs lui, très fair-play, lève mon bras au ciel pour me féliciter, je reviens ensuite à ma place, on se salue et quand je vois Claude, c’est pareil. On se prend dans les bras et je reste béat. 20 ans après, je me demande encore comment c’est possible qu’aucune émotion ne soit sortie bien qu’au fond de moi, j’étais le plus heureux des hommes.

Face à Davide, je n’ai pas eu de stratégie. J’avais en face de moi un combattant exceptionnel. Il changeait souvent de garde ce qui rendait la mise en place d’une stratégie compliquée. Sa palette technique lui permettait de s’adapter à toutes les situations et d’empêcher son adversaire d’appliquer un plan tactique.

Cependant, ce jour-là, mon travail à fonctionné et j’ai marqué mes points d’abord avec des Tsuki avant de rester offensif et spectaculaire avec des techniques de jambes comme je savais le faire pour l’emporter. C’est d’ailleurs un combat qui a marqué le public. Récemment lors des live Instagram que j’ai faits pendant le confinement où je donnais des cours, les gens me parlaient de ce combat. Je suis fier d’entendre et de voir que mon combat ait marqué les esprits ».