C’est le directeur technique de la nouvelle Ligue professionnelle de Karaté Full Contact, « Karate Combat ». Le Hongrois Adam Kovacs, 37 ans, triple médaillé mondial WKF, est l’un des ambassadeurs de la franchise US, avec Chuck Liddell et Bas Rutten. En amont de la soirée « Inception » programmée à Miami le 26 avril, il nous éclaire sur ce projet qui pourrait révolutionner le Karaté mondial : la genèse, le concept, les primes, les ambitions, les champions, la WKF… Hajime !
Par Ludovic Mauchien / Photo : DR
Le Karaté est en mouvement. « K is on its way ! ». En 2016, la voie de l’olympisme s’est dégagée et les trois coups seront donnés à Tokyo en 2020. En 2018, celle du professionnalisme, tant de fois tentée, autant de fois avortée, voit une nouvelle tentative poindre. Son nom ? Karate Combat, la « première Ligue professionnelle de Karaté Full Contact ». Son origine ? Made in USA. Son ambition ? Développer et promouvoir le karaté sportif dans le monde entier (« elevating and promoting the sport of Karate Worldwide »). Et si, cette fois-ci, c’était la bonne ?
La campagne de lancement début avril a été magistrale, à l’américaine, engendrant un buzz assez phénoménal. Le concept ? Un Karaté « à l’ancienne » dessiné pour le 3e millénaire : combats dans une fosse, torse nu, au KO. Les règles ? Techniques traditionnelles (ré)-autorisées : Kagi ou Mawashi Tsuki (crochet), Uraken Uchi (backfist), Ushiro Uraken (spinning backfist), Ashi Baraï (balayage), Tettsui Uchi (coup de poing marteau), Takedowns…
Le modèle ? Clairement l’UFC. Les primes ? En milliers de dollars. Les champions ? Beaucoup de top fighters version WKF engagés dans la course olympique. L’Azerbaïdjanais Rafaël Aghayev, le quintuple champion du monde (-75 kg), son compatriote Aykhan Mamayev, n°1 mondial (-84 kg), l’Iranien Zabihollah Poorshab, 3e des Mondiaux 2016 (-84 kg), le Grec Georgios Tzanos, ancien champion d’Europe (-84 kg), le Chilien Rodrigo Rojas, champion panaméricain en 2016 (+84 kg), le Marocain Achraf Ouchen, champion du monde U21 en 2015 (+84 kg)…
Adam Kovacs est le directeur technique de cette nouvelle Ligue professionnelle de Karaté Full Contact. Double vice-champion du monde WKF en 2004 et 2008 (3e en 2010), vainqueur des Jeux Mondiaux en 2009, le Hongrois nous présente Karate Combat.
Quelle est la genèse de Karate Combat ?
Le concept vient des Etats-Unis. Les créateurs l’entreprise qui est derrière la Ligue ont pensé que le bon timing était excellent pour lancer quelque chose dans les sports de combat. En 2016, le Karaté est devenu un sport olympique et, la même année, l’UFC, qui est devenu très populaire, a été vendu pour 4 milliards de dollars.
Une Ligue de Karaté Full Contact n’existe pas sur le marché des sports de combat. Le Karaté ne possède pas une ligue pro comme vous l’avez en MMA, en boxe, en tennis... Même si la WKF (World Karate Federation) tente de la faire avec la Premier League. Mais la WKF est plus sur l’aspect amateur du sport. Notre entreprise a une façon de voir différente sur la manière de promouvoir les meilleurs athlètes.
« LES FONDATEURS VIENNENT DU MONDE DU BUSINESS »
Quel est le budget global de Karate Combat ?
C’est quelque chose dont je ne peux pas parler parce que, bien sûr, c’est un secret d’affaires. Comme vous pouvez le voir sur Karate.com, les fondateurs de cette Ligue ne viennent pas du Karaté, mais du monde du business, avec une solide expérience à Wall Street ou dans de grandes banques et entreprises. Nous sommes vraiment stables et des investisseurs sont également intéressés par l’entreprise.
Sur le Site Internet, 16 entreprises sont mises en avant (BitCoin, Facebook, YouTube…). Sont-elles tous des sponsors ?
Certaines sont des sponsors, d’autres sont des partenaires. Par exemple, nous avons différents accords avec ses canaux de distribution comme Facebook ou YouTube. Il ne s’agit pas seulement de sponsoring classique comme donner de l’argent.
Vous savez, l'entreprise n’a pas été créée quand les vidéos ont été diffusées. Les gars ont commencé à travailler sur ce projet il y a plus d’un an. Tous ces accords avec les canaux de distribution ont été négociés bien avant. Comme vous pouvez le voir sur notre site, notre directrice marketing est Kim Hurwitz. Elle était la directrice marketing de DirectTV, l’une des plus grandes sociétés de télévision à la carte (pay-per-view) aux États-Unis.
Les prochains événements sont programmés à Miami (26 avril) et à Dubaï (courant juin). Si des personnes veulent assister aux combats, est-ce possible ?
Miami et Dubaï sont des événements sur invitation uniquement. Vous ne pourrez pas vous présenter et acheter un ticket. Mais les gens pourront regarder ces événements en direct sur karate.com ou sur les canaux de distribution. A ce stade, beaucoup de choses sont encore en développement.
A l’avenir, nous envisageons des événements pour un public plus nombreux, même des événements dans des stadiums. Mais la Ligue doit d’abord se développer. Nous avons déjà obtenu la licence aux États-Unis et nous voulons organiser partout dans le monde.
« RAFAEL (AGHAYEV) A COMBATTU A BUDAPESTR+ ET, JUSTE APRES, A GAGNE DUBAI »
Karate Combat a signé avec plus de 100 combattants de 30 pays. Comment ont-ils été choisis ?
Nous avons une équipe technique au sein de l’entreprise, composés d’experts, dont moi-même en tant qu’athlète. Mais je en tiens pas à mentionner leurs noms pour le moment car ils ont d’autres activités professionnelles et ne le désire pas. Mais, faites-moi confiance, tous font partie des meilleurs dans leurs domaines. Nous avons des entraîneurs de haut niveau, des arbitres de haut niveau, des experts en MMA. Tout le monde est de très haut niveau. Nous essayons de trouver les meilleures personnes disponibles.
En additionnant tous les noms d’athlètes et en regardant les classements sur Internet, nous avons pu pointer les meilleurs athlètes WKF, les meilleurs athlètes Shotokan… Et beaucoup d’autres athlètes qui ne rentrent pas dans ces cases.
De nombreux champions WKF en lice pour Tokyo 2020 se sont engagés. Pensez-vous qu’ils puissent faire les deux, vu que la préparation est très différente ?
A long terme, bien sûr, nous ne le savons pas puisque c’est tout nouveau. Mais, ce que nous avons déjà constaté, par exemple, c’est que Rafaël (Aghayev) a combattu à Budapest en février et, juste après, il a remporté le Premier League de Dubaï. Signer au Karate Combat ne signifie pas que vous devez vous entraîner seulement pour ça. Les athlètes peuvent combattre deux ou trois fois par an au Karate Combat et, bien sûr, nous respecterons le calendrier de la WKF. Nous éviterons qu’il y ait des doublons et nous ne choisirons pas les mêmes dates.
Pour nous, les athlètes sont très, très importants. Si l’un d’entre eux se concentre sur la Premier League, les Championnats du Monde ou d’Europe, on le mettra sur la carte à une date qui lui permettra de s'entraîner peut-être deux ou trois mois et de se concentrer davantage sur l’aspect full contact du sport.
Nous encourageons tous les athlètes WKF -mais nous n’avons pas que des combattants WKF- à disputer les Premier League, les Championnats du monde et les qualifications olympiques parce que, pour nous, c’est aussi important que pour eux. Si c’est bien pour eux, c’est bien pour tout le monde.
« NOTRE LIGUE NE VA PAS A L’ENCONTRE DE LA WKF. C’EST AUTRE CHOSE »
Comment pensez-vous que la WKF va apprécier Karate Combat ?
Eh bien, je ne suis pas la WKF donc je ne sais pas comment ils voient notre projet. Ils ne sont pas exprimés publiquement à ce sujet. La seule chose certaine est que nous avons rencontré la WKF à son siège à Madrid l’année dernière. Ce n’était donc pas un secret pour eux. Nous oeuvrons pour une coopération avec eux. Mais Karate Combat ne concerne pas seulement la WKF. C’est un nouveau sport, alors, bien sûr, il y a des athlètes qui sont des superstars en WKF, mais ils ne sont pas encore des superstars du monde du sport. C’est ainsi.
Moi-même, j’étais un combattant WKF. J’ai beaucoup de respect pour la WKF. Notre Ligue ne va pas à l’encontre de la WKF. C’est simplement autre chose, que vous avez notamment en Boxe avec, d’un côté, le sport amateur qui dispute les JO et, de l’autre, un sport professionnel qui est plus porté sur le divertissement et le business. Pour nous, il n’y a pas de concurrence entre la WKF et cette nouvelle Ligue.
Nous essayons de créer un produit qui n’est pas seulement intéressant pour les pratiquants de Karaté, mais qui s’adresse à tout le monde, qui soit adapté à la TV et aux réseaux sociaux. Je pense que c’est une bonne promotion pour la WKF parce que l’on va promouvoir ses meilleurs athlètes non seulement dans l’univers du Karaté mais dans le monde entier.
Dites-nous en plus sur les règles. Combien de temps dure un combat ? Quelles sont les catégories de poids ?
Un combat dure 3 rounds de 3 minutes avec une pause d’une minute entre chaque. En full contact, il est très difficile de faire une catégorie Open. Au début de l’UFC, ils l’ont fait mais nous ne le souhaitons pas parce que nous ne voulons pas risquer la santé des athlètes. Nous avons donc, pour le moment, cinq catégories masculines (-67 kg, -75 kg, -84 kg, -93 kg, +93 kg) et deux catégories féminines.
A son début, l’UFC était le lieu d’opposition entre différentes approches martiales. Karate Combat vise-t-il à confronter les styles de Karaté et même d’autres sports de plein contact (ITF Taekwondo, Sanda...) ?
A ce stade, ce n’est pas notre priorité. Nous cherchons avant tout à avoir les meilleurs combattants au monde. Nous ne voulons pas faire de comparaison entre les styles. Nous voulons juste avoir de très bons combats de Karaté et nous considérons le Karaté comme une seule entité.
Nous voulons avant tout des Karatékas. Pour nous, l’un des critères de recrutement est que les athlètes aient un background Karaté, que ce soit Shotokan, WKF, Kyokushin... Nous cherchons à produire des combats qui ne ressemblent pas à du MMA, à du Kick-boxing ou à du Muay thaï. Nous voulons donc garder de longues techniques, adopter une distance de combat plus longue. Nous ne voulons pas de combats à courte distance. C’est pourquoi nous n’avons pas de coups de genou, de coups de coude ou d’uppercuts. Nous voulons que ce soit le plus traditionnel possible, comme Lyoto Machida ou même Connor McGregor à l’UFC, parce que la façon dont il se bat et la manière dont il bouge ressemble beaucoup au Karaté.
Nous voulons que Karate Combat soit aussi proche que possible du Karaté, donc nous voulons d’abord exclusivement des Karatékas. Pour le moment, nous ne sommes pas ouverts à une personne qui aurait exclusivement un background MMA ou Kick-boxing.
« NOUS NE VOULONS PAS DE COURTE DISTANCE, DONC PAS DE GENOUX, DE COUDE OU D’UPPERCUTS »
On m’a rapporté que les primes accordées seraient de 5000 $ par combat et de 17 000 $ pour un KO. Confirmez-vous ces informations ?
L’information n’est pas précise. Les combattants ont des contrats différents. Il n’y a pas un tarif par combat mais tous sont très bien rémunérés. Je ne dis pas que votre fourchette est complètement fausse, mais certains athlètes gagnent plus et d’autres moins.
De plus, nous préférons mettre plus en valeur le « combat de la soirée » que les KO, même s’ils donneront lieu à des primes. Nous voulons avant tout d’excellents combats. S’ils finissent au KO, ce sera OK puisque c’est un sport de plein contact. Mais les athlètes sont payés pour combattre, peu importe qu’ils gagnent ou qu’ils perdent.
Quatre dojos où l’on pratique le Karate Combat sont ouverts dans le monde. Quelle est l’ambition ?
C’est un nouveau sport. Les gens veulent commencer à s’entraîner dans ce style. Pour le moment, le nombre de Dojos est limité mais nous sommes, tous les jours et toutes les semaines, en discussion avec des Dojos qui veulent développer le Karate Combat. Ce que nous souhaitons, c’est que les personnes désireuses de s’entraîner dans cette nouvelle forme de Karaté puissent le faire.
Vous avez 37 ans. Envisagez-vous de vous aligner au Karate Combat ?
J’ai terminé ma carrière en 2013, à Budapest, lorsque je me suis classé 3e aux Championnats d’Europe. Je pratique le Jiu-Jitsu brésilien depuis 2011. Je m’entraîne deux à trois fois par semaine. Mais je ne suis pas dans la logique de m’aligner au Karate Combat. J’ai désormais des affaires et je suis heureux tel que je suis. Je me sens bien de l’autre côté maintenant. Si je peux faire partie d’un projet génial et si celui-ci peut être utile, non seulement pour la promotion et pour le business, mais aussi bénéfique aux athlètes, ce serait très bien pour tout le monde.