Il est 6e Dan, joue 1ère ligne en rugby, préside le club de Karaté de ses débuts et le CFA des métiers du sport de la Région Centre. Dimanche, il va briguer un 3e mandat d’élu à la mairie d’Orléans où il officie comme adjoint aux sports.

Soufiane Sankhon a toujours aimé la singularité, même quand il était en équipe de France (1998-2002). A 45 ans, le vice-champion d’Europe 99 continue à se démultiplier et relever les challenges, avec une empathie et un sens de l’humour prononcés. Karaté-rugby-politique, un triptyque savoureux qu’il nous (ra)conte…

Par Ludovic Mauchien / Photos : DR


 

Il naquit en Alsace, d’un père footballeur professionnel originaire de Guinée Conakry et d’une mère d’origine marocaine. Qui dit mieux pour ne pas se faire remarquer dans la vie ? Il est peut-être né à Strasbourg mais il a toujours vécu à Orléans, sa ville de cœur, là où il a commencé le Karaté parce que fan de Bruce Lee et Jackie Chan, remporté ses titres nationaux, où il joue aujourd’hui au rugby, où il a fait ses premières armes en politique.

Soufiane Sankhon n’a jamais été champion d’Europe de Karaté. Il combattait en -65 kg, à l’époque d’un pourfendeur de palmarès… Alex Biamonti, qui l’a d’ailleurs battu dans une finale européenne épique en 1999 (voir plus loin).

En 2004, il décide d’arrêter le Karaté. Arrêter, pour lui, cela veut dire se mettre au rugby. Avec son 1,74 m et ses 65-70 kg, ce sera à l’arrière. Pas du tout ! Rapidement, il « se tamponne » 1ère ligne, talon ou pilier peu importe !

Très investi dans le milieu associatif depuis toujours, éducateur-formateur de profession (spécialité « physio, anat’, biomécanique et pratique en musculation »), Sofiane Sankhon se voit proposer en 2008 de s’investir dans la cité par le maire d’alors.

Depuis, il exerce les fonctions d’adjoint à la jeunesse et à l’animation des quartiers (à sa 1ère mandature) auxquels se sont ajoutés les sports en 2014. Ce qui en fait le seul Karatéka à être élu dans une ville de plus de 100 000 habitants. Rencontre avec un self Karaté made, qui vient de recevoir le 6e Dan, un « honneur ».

SA VIE DE CHAMPION

« Un, beaucoup de beaux moments en termes de relations humaines. Deux, la saveur et l’intensité des compétitions internationales qui correspondent à des émotions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Lorsque tu te prépares, tu fais de gros régimes… Tu y vas pour jouer ta carte. Ce sont des choses que tu ne vis qu’une fois, en tout cas moi. Trois, la frustration de ne jamais avoir été titulaire à un championnat du monde.

Quatre, lorsque je perds en finale des Championnats d’Europe en 1999 contre Alex (Biamonti) en prolongation sur un point IMAGINAIRE (il rit). Je marque et il me déséquilibre avec fait une espèce de gestuelle approximative mais un très beau Kiaï. Du coup, on lui compte le point. Je ne sais pas qui aurait marqué sur la séquence d’après. Mais… Tu te dis : « merde, pourquoi tu t’es relevé tout de suite. Tu aurais pu rester par terre ou faire du cinéma », mais cela n’a jamais été mon style.

J’ai arrêté la compétition en 2004. Pendant 2 ans, j’ai essayé de m’imposer en -70 kg mais je n’y suis pas parvenu. Aux Championnats de France, pour la place de 3, en rentrant sur le tatami, je me suis demandé ce que je faisais là. Quand tu te demandes ça, tu as fait le tour du sujet. Il faut arrêter. C’est ce que j’ai fait ».

 

« BEAUCOUP DE SUEUR, PAS MAL DE SANG ET UN PAQUET DE BLESSURE »

 

SON SOUVENIR DE CHAMPION

« Il y en a quelques-uns… Lorsque je gagne le championnat de France face à Cecil Boulesnane en 1998 (-65 kg). Et mon 1er podium aux Championnats d’Europe 98 à Belgrade. Je perds au 1er tour contre un Yougo. Je me dis ouaouhhh… (Ndlr : la guerre fait rage en ex-Yougoslavie, l’ambiance est malsaine et délétère). Je suis repêché ! Je me suis souvenu des propos que Romain Anselmo m’avait tenu dans un couloir de l’hôtel : « Sofiane, si tu es là, ce n’est pas par hasard, c’est que tu as un gros potentiel ». Je m’échauffe et je les bats tous un par un ».

LE 6e DAN ?

« C’est une haute distinction qui consacre... C’est une bascule de passer du 5e au 6e Dan. On passe à autre chose. C’est la ceinture rouge et blanche… On passe un cap. On est peut-être 500-600 à l’avoir. C’est un honneur d’être consacré de cette façon dans une discipline où tu t’es fortement investi, avec beaucoup de sueur, pas mal de sang et un paquet de blessure ».

LE RUGBY ?

« Pourquoi ? (Il éclate de rire). Je voulais faire un sport co’ avant d’être trop vieux. Le foot, c’était trop technique. Ma femme, une ex-internationale de Karaté luxembourgeoise, avait commencé le rugby avant d’arriver à Orléans. On a cherché un club. Je l’ai accompagné la 1ère fois. L’entraînement était mixte. Le coach m’a proposé d’essayer. J’ai trouvé ça super. Il m’a dit que l’entraînement des Seniors avaient lieu 2 jours après. Je suis venu 2 jours après avec tout l’équipement et, depuis, je joue toujours au rugby à La Source. Je suis titulaire en équipe 1ère, en Honneur, talon, pilier ou flanker ».

« JE FAIS 80 KG. A VIERZON, UN MEC FAISAIT 150-160 KG »…

1ère LIGNE ?!

« Je jouais toujours en réserve, à l’arrière. Je suis allé voir l’entraîneur pour savoir pourquoi il ne me prenait jamais en 1ère. Il m’a répondu qu’il avait besoin de moi devant, car j’étais un mec qui aimait le combat. La saison d’après, je me suis fait tamponner 1ère ligne et j’ai joué talonneur en Fédérale 3. Parfois, c’est compliqué. Je fais 80 kg. La semaine dernière, on a joué contre Vierzon. Un mec faisait 150-160 kg. Après, c’est une question de placement, de gainage aussi. Je m’entretiens avec des séances de muscu. Je joue devant depuis pratiquement 10 ans. J’adore plaquer et déblayer. C’est le registre dans lequel je suis le plus efficace. Je suis un joueur plaqueur. Je ne suis pas un joueur de ballon. Je n’ai pas fait d’école de rugby. J’en ai conscience (il rit). Je connais mes limites. Je joue beaucoup à l’énergie, je cours tout le temps. J’adore ça, rentrer dedans. Mon poste de prédilection, c’est flanker, n°6. Pendant un match, je peux faire les 3 postes. Cette saison, j’ai commencé pilier gauche ou droit, puis talonneur et j’ai fini flanker. Mon discours au coach ne varie pas : « je ne serai jamais un problème, toujours une solution. Tu me mets où tu veux ».

« JE NE SERAI JAMAIS UN PROBLEME, TOUJOURS UNE SOLUTION »

LA POLITIQUE, POURQUOI ?

« Ah ! Quand j’étais athlète, j’intervenais dans les écoles pour la mairie de Paris. Je faisais initiation karaté. J’ai été animateur porte de Clignancourt dans un centre de loisirs. J’ai découvert cette vocation, cette capacité à pouvoir transmettre des choses aux jeunes. J’ai voulu faire la même chose à Orléans. J’ai créé une association « Mission sports » (aujourd’hui en sommeil), qui organisait l’intervention de sportifs de haut niveau auprès de tout public. Je suis beaucoup intervenu dans les quartiers, à la maison d’arrêt, pendant 10 ans. Le maire de l’époque m’a alors sollicité pour que je m’implique dans la vie municipale. J’ai dit : « pourquoi pas ? ». C’était en 2008. On a gagné. Depuis, je suis adjoint.

L’idée ? Mettre au service de mon territoire les compétences dont je dispose, redonner ce que le sport m’a donné. Il m’a permis de me construire. Mais ce n’est jamais simple. Dans une collectivité, tu te rends compte qu’il y a des choses qui ne sont pas en phase avec des principes élémentaires de la pratique sportive, des choses immuables : l’engagement, le dépassement de soi, la fiabilité, la rigueur, etc. Ca, tu ne le retrouves pas partout en politique, malheureusement. Dans le sport, si tu n’es pas fiable, pas sérieux, pas rigoureux, pas précis, pas engagé pleinement, cela ne passe pas. En politique, cela peut passer quand même. La grosse différence est là ».

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