Organisés à Long Beach, en Californie, les 3e Championnats du monde de l’histoire sont les premiers disputés avec le principe de la touche. Ca change tout ! Surtout pour les « warriors » européens… Quelle voie doit prendre le Karaté, contact ou non contact ? Le débat est lancé pour plusieurs décennies. Une première réponse va être apportée à Long Beach, symbolisée par la double disqualification du Français Dominique Valera et la bagarre générale qui s’ensuit. Le Japon, absent du podium en 1972, place 3 finalistes cette fois-ci. Murakami devient champion du monde. La Grande-Bretagne s’impose en équipe.
Par Ludovic Mauchien / Photos : DR / LM
Suite aux Championnats du monde de 1972, où ils n’ont placé aucun combattant sur le podium, les Japonais adoptent le principe de la touche en compétition. Les Européens, les Français champions du monde en têtes de proue, sont circonspects et s’essaient à d’autres formes de Karaté, notamment le Kyokushinkaï et s’éloignent de la compétition. « Nous avions vécu un karaté « réel ». On ne se sentait pas de passer à un Karaté où tu perdais quand tu touchais à peine le gars. Ca s’est dégradé en 73-74, d’où les « événements » de Long Beach », se souvient Dominique Valera, aujourd’hui 9e Dan.
Mais l’annonce de l’organisation d’un 3e Championnat du monde, en Californie qui plus est, a réveillé les warriors qui dormaient. Ainsi, en octobre 1975, 300 Karatékas originaires de 30 pays se sont donné rendez-vous dans la banlieue Sud de Los Angeles. Parmi les favoris pour le titre, encore et toujours, le Français. Disqualifié en 70, forfait en 72, Dominique Valera arrive à Long Beach affûté comme jamais. Mais…
Le 1er jour, en équipe, il se fait disqualifier lors de l’unique tour de l’équipe de France (battue par l’Australie). Le lendemain, au 3e tour des individuels, il affronte le Dominicain Antonio Rivera… « Un combat pas facile mais que je maîtrise. A un moment, je fais un balayage et je marque. L’arbitre estime que la distance était trop longue. Je refais un 2e balayage. Il me dit que mon Tsuki est passé à côté. Au 3e balayage, je touche légèrement, mais vraiment légèrement Rivera à la pommette avec mon Tsuki. Il n’y a même pas eu de sang ».
Mais l’arbitre, le Britannique Tommy Morris, le disqualifie immédiatement. C’en est trop ! Un Mawashi part, les Français viennent à la rescousse, bagarre générale… « Ce qui m’a foutu en colère, c’est que j’ai été disqualifié sans explication », maugrée-t-il toujours plus de 40 ans après les faits. « Et j’insiste une nouvelle fois : c’est une histoire qui a fait couler plus d’encre que de sang ! Personne n’a été blessé ».
L’histoire entre Dominique Valera et le Karaté va s’interrompre ce jour-là. « Je me voyais mal revenir dans le giron du karaté traditionnel après ça. La fédération internationale non plus puisqu’elle m’a suspendu à vie. Mais cela a ensuite été ramené à six mois. »
Il faudra attendre 2001 pour que le King renfile le Kimono en développant le Karaté… contact. Mais, aujourd’hui encore, Long Beach le poursuit. « C’est une cicatrice que je traîne et j’ai parfois l’impression que les gens ne retiennent que cela. Je n’en suis pas fier et c’est une tâche dans ma carrière. Mais ce n’est même pas une tâche de sang ».
Cette histoire est symbolique d’un virage, d’un tournant de l’histoire du Karaté. Les guerriers de la 1ère heure, la toute 1ère génération de combattants va laisser la place à une nouvelle, non dénuée de fighting spirit et du sens du combat viril, représentée par les écoles anglaises et néerlandaises.
Dès Long Beach, les Anglais s’imposent en dominant le Japon en finale. Les Pays-Bas finissent 3e. Adamy, Codrington, Dunett, Fitkin, Higgins, O’Neill et Rhodes font de magnifiques champions du monde. Les Japonais (Hamaguchi, Murakami, Ono, Tsuchiya, Yonimitsu) se vengeront le lendemain en plaçant deux d’entre eux en finale. Murakami devient le 3e champion du monde de l’histoire en battant Hamaguchi. Rivera, l’adversaire de Valera, finit 3e.