Une nouvelle vie commence pour Alexandra Recchia. Elle va avoir 30 ans, vient de se faire baptiser et entame les qualifications olympiques comme recordwoman des titres mondiaux, cinq en tout (deux en -50 kg, trois en équipe). Elle n’a plus rien à prouver, elle veut simplement se faire plaisir, sans s’étourdir de pression. Mais quand on connaît « Alex », plaisir rime forcément avec victoires…
Par Ludovic Mauchien / Photos : K-Photos
Comment s’est déroulé ton été ?
Il a été chargé ! On a fait 3 stages (27-30 juillet et 10-13 août à Castelnau-le-Lez, 27-31 août au CREPS de Châtenay), très éprouvants physiquement, déjà par la chaleur, mais aussi par la durée des entraînements. Les entraîneurs ont surtout insisté sur le travail technique, les appuis, le fait de ne pas s’arrêter sur une seule technique, mais poursuivre, relancer. Ce n’est pas forcément ce que l’on a l’habitude de faire et ce sur quoi on est le plus à l’aise. C’était hyper intéressant et enrichissant. C’était de très bons stages. En dehors, je me suis concentrée sur la préparation physique. J’ai repris le Karaté début juillet dans mon nouveau club, Evry, avec Adrien Gautier.
Es-tu satisfaite de ta préparation ?
Je pense que cela ne pouvait pas mieux se passer. Ce qui a été surtout très bénéfique, c’est le dernier stage qui était ouvert à d’autres nations (Suisse, Canada, Espagne, Hollande). On a surtout fait des oppositions, ce qui a permis de se jauger avant Berlin. C’était hyper enrichissant de s’entraîner avec d’autres athlètes qui sont performants sur la scène internationale. Je n’ai qu’une envie : renouveler ce genre d’expérience. C’était vraiment top.
Tu n’as pas participé à beaucoup de compétitions cette année. Etait-ce stratégique ?
Non, pas forcément. J’ai fait toutes celles qui étaient plus ou moins importantes. Il n’y en a que Dubaï que j’ai dû faire sauter car je me faisais baptiser le même week-end. J’en ai parlé au staff. Je leur ai expliqué que cette démarche me tenait à cœur depuis plusieurs années. Le baptême était la consécration d’une formation que j’ai entamée en septembre 2016, à travers des réunions collectives et individuelles, de la catéchèse pour adultes.
« ME FAIRE BAPTISER ME TENAIT A CŒUR DEPUIS PLUSIEURS ANNEES »
Pourquoi t’es-tu fait baptiser cette année à 30 ans ?
Petite, j’ai été dans une école catholique. Je me suis ensuite détachée à cause du sport qui me prenait énormément de temps. Cela faisait plusieurs années que je voulais me faire baptiser. Cela a toujours été important pour moi. Ma marraine était très, très croyante et elle m’a motivée. Et, aussi, la naissance de ma nièce, qui a eu 3 ans en juin, m’a aussi incitée à suivre cette formation. Je suis sa marraine, c’est moi qui vais la guider spirituellement. J’avais envie de faire les choses bien. Désormais, je pratique. J’étais à l’église dimanche.
Pour revenir au Karaté, qu’as-tu appris de tes championnats d’Europe (3e) ?
Que j’avais pris les bonnes décisions en changeant de coach, même si cela ne s’est pas soldé par un titre. Il y a eu beaucoup, beaucoup de positif au niveau de ce championnat d’Europe, que ce soit la préparation physique, mais aussi du chemin parcouru avec Ludo (Cacheux) sur l’aspect côté spécifique. Pour ne pas renouveler ce genre d’erreur, il y a des réglages à faire et mon instinct de combattante.
Comment juges-tu cette 3e place ?
J’étais très contente, surtout que je fais une super place de trois, qui montrait que je méritais mieux que le bronze. C’était très positif. Je ne vais pas cracher sur une médaille, jamais ! On l’a à vie. Je ne suis pas ravie de finir 2e ou 3e car je suis gourmande. Je veux toujours gagner, c’est normal. Mais il faut relativiser et se dire que la régularité sur tant d’années, c’est déjà très bien.
« SI JE SUIS SUR LE PODIUM A CHAQUE FOIS, CE N’EST PAS GRAVE SI JE NE GAGNE PAS »
Tu n’as plus gagné depuis Rotterdam en mars 2017. Cela te tracasse-t-il ?
Pas du tout. Je n’avais même pas réalisé. Non, non… En plus, à chaque fois que j’ai perdu, ce n’est pas passé loin, et c’était sur des erreurs de ma part. Ce n’était pas du tout négatif. Je me dis que si je peux être régulière comme j’ai pu l’être ces dernières années, ce n’est peut-être pas plus mal. La qualification olympique est un marathon, pas un sprint. L’objectif va être d’être régulière et d’essayer d’atteindre des ¼, des ½ finales et, si possible, des podiums sur chaque compétition. Si je suis sur le podium à chaque fois, ce n’est pas grave si je ne gagne pas. L’important, c’est d’atteindre la qualif’ olympique.
Qu’attends-tu de Berlin ? Voir où tu en es dans ta prépa par rapport aux Championnats du monde ? Ou ton objectif est-il de gagner ?
Ce n’est pas une compèt pour se jauger mais pour se positionner dans le ranking et démarrer la qualif’ dans les meilleures conditions, pour ensuite aborder les compétitions sereinement. C’est bien sûr un réel objectif.
Après, c’est ma première compétition depuis les Championnats d’Europe (10-13 mai à Novi Sad). S’il n’y a pas la 1ère place au bout, ce n’est pas le plus important, qui est de bien me positionner, de bien prendre mes marques et de bien démarrer la saison.
« CES DEUX ANNEES, CELA NE DOIT ETRE QUE PLAISIR ET BONHEUR »
Tout en pensant aux Championnats du monde… ?
Je fonctionne par compétition par compétition. Cela me permet d’éliminer le stress. On est à moins d’une semaine de l’échéance et je n’ai pas encore de stress, ce qui est assez inhabituel de ma part. Fonctionner comme ça me va très bien ! Je vais essayer de prendre chaque compétition comme un championnat du monde, puisque chacune compte pour le ranking.
J’arrive à 30 ans. Tout ce que je fais, c’est du bonus, c’est pour me faire plaisir, ce n’est pas pour me mettre dans des états pas possibles. Tant que je continue à être performante, que j’ai des bonnes sensations et l’envie, cela devrait aller.
Bien que les Jeux olympiques soient un rêve et un objectif, je n’ai pas envie de me mettre la pression en disant : « c’est l’objectif de ma vie. Je dois absolument réussir ». Non ! Arrivée à mon âge, on a aussi envie de profiter de la vie et d’autres choses. Je mets toutes les chances de mon côté, je m’entraîne, je mets des choses en place pour atteindre cet objectif, mais sans pression. Ces deux dernières années, cela ne doit être que du plaisir et du bonheur.
As-tu suivi les Jeux d’Asie (25-27 août) ?
Pas du tout. J’ai regardé les participants mais je ne suis jamais. En fait, j’essaie de ne pas me préoccuper des autres. Je m’en préoccupe quand ils sont en face de moi sur le tatami. Je me concentre sur ma préparation essayer qu’elle soit la plus optimale, performante et efficace possible. Je regarde mes adversaires le jour de la compétition.
ALEXANDRA RECCHIA
Née le 25 octobre 1988 à Lyon
Taille : 1,54 m
Catégorie : -50 kg, équipe
Club : Evry
Palmarès (Seniors)
Championnats du monde
-50 kg : 1ère en 2012 et 2016
Equipe : 1ère en 2010, 2012, 2016. 2e en 2014. 3e en 2008
Championnats d’Europe
-50 kg : 1ère en 2013, 2016. 2e en 2015. 3e en 2012, 2018.
Equipe : 2e en 2011, 2013, 2017.
1ères des Jeux Mondiaux en 2017, 2e en 2013