30% de baisse de licences en décembre, annulation de l’Open de Paris en janvier, Gilles Cherdieu nouveau DTN en février, un budget resserré pour le reste de l’année, la numérisation de la fédération et des compétitions comme priorité. Si le bateau FFK est secoué, il ne tangue pas et maintient le cap. L’amiral-président Francis Didier, qui vient d’être réélu pour un 6e mandat, tient la barre et espère que les compétitions reprendront dès février, même s’il s’attend à des tempêtes pour les deux prochaines saisons.
Par Ludovic Mauchien / Photo : Denis Boulanger/FFK
Quid de l’Open international de Paris ?
Il est annulé. Il était déjà devenu l’Open de Paris car nous ne pouvions pas envoyer des invitations à l’international. On aurait quand même pu avoir une grande compétition de reprise en janvier mais, dans les déclarations du 1er Ministre, il y a deux fois « peut-être (le 20 janvier) ». Si on lance l’organisation et qu’elle est de nouveau annulée, on se retrouve avec des Français qui ont pris leurs billets de train, leurs hôtels… J’envoie tout le monde dans une impasse. Toutes les compétitions en janvier sont ainsi annulées. On espère repartir en février.
L’Open de Paris 2021 peut-il être seulement décalé ?
C’est compliqué de le reprogrammer. Les Championnats d’Europe ont lieu du 19 au 23 mai en Croatie et, 3 semaines après, il y a le TQO (11-13 juin). On est bloqués. Quoiqu’il arrive, cette année, elle se déroulera dans le cadre du calendrier français. Pour le moment, le bateau avance mais il est dans le brouillard. S’il y a une éclaircie, on s’adaptera.
En ce moment, je travaille sur le calendrier de février à fin juillet. J’essaie de comprimer des compétitions pour laisser des ouvertures. Par exemple, regrouper les coupes de France de différents styles, ce qui peut nous faire un grand week-end karaté du vendredi au dimanche. Si cela me laisse des trous avant le 19 mai, pourquoi pas organiser une grosse compétition de reprise mais, pour l’instant, je n’ai pas de réponse. Il faut voir comment cela va évoluer après les fêtes.
« EN SERRANT DE PETITS ROBINETS, ON NE SOUFFRIRA PAS TROP »
Quelle est la situation de la FFK en décembre 2020 ?
Nous sommes dans un passage difficile pour la fédération mais surtout pour les clubs. Nous enregistrons une baisse de 30-33% des licences. Certaines fédérations ont perdu 50% de leurs licenciés. Cela va être très difficile pour elles. Nous, nous avions réinvesti pour les clubs en les exonérant de la cotisation fédérale, puis en effectuant une campagne de rentrée pour eux, qui était d’un montant de 400 000 €. L’enveloppe totale est de 1,4 million.
Nous avions des fonds de réserve de 800 000 € fléché pour le TQO que nous avons remis dans notre nouveau. Nous l’avons basé sur 150 000-160 000 licenciés (au lieu de 250 000 la saison passée). Pour finir la saison (31 août), il nous faut trouver environ 400 000 € (sur 11 millions de budget). En serrant pleins de petits robinets, on ne souffrira pas trop de cette année.
Et la saison d’après ?
La saison 2021-2022 sera également difficile avec la crise économique qui s’annonce. Si la crise Covid-19 se termine, ce que j’espère, avec ces vaccins qui peuvent arriver, si tout cet orage s’apaise, il faudra quand même se préparer à des petites tempêtes et des éclaircies.
Le pouvoir économique va s’en ressentir en septembre 2021. Pourquoi ? Pour le moment, on a le chômage partiel, puis il y aura les vacances d’été. En septembre, avec un pouvoir économique en baisse, ce sera : « Bon, les enfants, vous irez courir dans la forêt et on verra après ». Il faut que l’on prépare les clubs à cette réflexion.
Mais je crois qu’ils ont déjà compris dans leur façon de faire. Ils restent en contact avec leurs adhérents, ils communiquent, ils font des cours en vidéoconférence, à distance… Tout le monde est en train de se battre pour garder le lien social.
« LA SAISON 2021-2022 SERA ÉGALEMENT DIFFICILE. JE SUIS INQUIET POUR CERTAINS CLUBS »
Etes-vous inquiet pour l’avenir des clubs ?
De certains clubs, oui. Ils ne sont pas tous sur un même pied d’égalité par rapport à la surface dont ils disposent. Dans un 44x22, un grand gymnase, vous pouvez entraîner 40 personnes en respectant 1 ou 2 m de distanciation. Un petit dojo, c’est contraignant. Dans une petite surface, il est beaucoup plus difficile de se sortir de cette ornière. C’est différent pour tout le monde, bien que la grande majeure partie des clubs ont une moyenne de 70 licenciés. On est plutôt dans un développement moyen et peut-être rural.
Dominique Charré part en retraite le 31 décembre. Il est remplacé par Gilles Cherdieu au poste de DTN. Un choix qui s’imposait ?
Son remplacement était prévu en osmose entre moi, Dominique et Gilles, qui sera nommé de façon officielle le 1er février. Beaucoup de DTN vont jusqu’aux Jeux mais le fait que Dominique prenne sa retraite précipite la situation. Ce n’est pas un changement brutal. C’est dans la continuité de la fédération.
Gilles a toute la connaissance, à la fois du haut niveau et du développement. Il a occupé tous les postes, la formation, les organes déconcentrés, la compétition, les disciplines associées depuis un an. Il faut quelqu’un qui ait une connaissance générale.
Gilles est une personne de composition. Ce n’est pas quelqu’un qui a un caractère pour heurter les gens. C’est ce qu’il faut faire dans une vie associative, montrer la voie, guider et, bien sûr, appliquer les principes. Il faut aussi faire beaucoup de pédagogie. Il a toutes ces capacités.
« UNE APPLICATION POUR SUIVRE LES COMPÉTITIONS EN DIRECT »
Vous venez d’être réélu pour un 6e mandat. Quelles sont les priorités de celui-ci, hormis l’actualité Covid-19 ?
Il faut déjà commencer par gérer la crise. C’est l’un des premiers objectifs. Il faut être sur le pont ! L’amiral est sur le pont. Il faut maintenir le bateau à flot puis lui donner un cap, parce qu’avec un gros navire comme celui-ci, on ne peut pas mettre un coup à droite, un à gauche, faire des zigzags… Il faut maintenir un cap et voir comment on traverse la tempête.
Sinon, la priorité porte sur la numérisation de la fédération. On va moderniser le digital de la fédération sur une nouvelle base de données en offrant plus de services pour les clubs (trame de comptabilité…). Nous développons aussi une application pour suivre les compétitions en direct sur une tablette ou un Smartphone. On n’aura pas à aller chercher sur un site Internet.
C’est-à-dire ?
Nous avons signé un contrat avec Dartfish pour développer une plateforme où l’on aura 3 niveaux. D’abord, on voudrait que le coach voit la pyramide de son athlète. Il peut ainsi calculer le temps avant son combat suivant, connaître le tatami... On possède déjà ce système sur grand écran mais chaque tableau tourne toutes les 7 secondes et on n’a que deux grands écrans.
Ensuite, 2e niveau, les coachs vont pouvoir consulter les tableaux et suivre l’évolution des scores de chaque combat. C’est un service extraordinaire, des nouvelles technologies qui permettent d’avoir une amélioration dans la vie associative. Enfin, 3e phase, tous les combats seront filmés et visibles avec un décalage d’une minute. Tout restera archivé et consultable.
Les deux premiers sont des principes gratuits mis à disposition par la fédération. Le dernier est une plateforme où l’on aura accès par abonnement. Cela ne sera pas cher, 10 à 20 € par an pour le club. Dartfish développe la plateforme et la fédération s’occupe de l’installation. On a nos propres caméras IP.
« ON NE POURRA PLUS ALLER À 35 OU 40 ATHLÈTES À L’INTERNATIONAL »
Lors de votre dernière interview, avant l’été, vous abordiez l’idée de la création d’une ligue professionnelle. Avez-vous avancé sur ce sujet ?
Une ligue professionnelle ne peut partir que de la fédération internationale. Cela ne peut pas être quelque chose qui est construit dans la nature. Après les Jeux de Tokyo, on devrait rentrer dans une ère de modification de la réglementation des compétitions pour qu’elle soit plus compréhensible. Je crois que tout le monde est d’accord pour aller dans ce chemin et que cela va se faire. J’échange beaucoup en ce moment. Je suis très optimiste sur ce point. Mais l’idée de monter une section professionnelle reste un souhait. Ce serait bien. On peut envisager de terminer une carrière amateur et continuer avec une carrière professionnelle.
Comment voyez-vous l’avenir ? Avez-vous le sentiment, voire la crainte, que le Karaté reparte « comme avant » ?
Je crois que des pays organiseront des opens internationaux, sans pour cela participer à une Premier League. La crise économique va arriver. Quand on est olympique, on a des subventions ou des partenaires. Nous ne sommes pas à Paris 2024, les partenaires, les sponsors et les aides de l’état vont baisser. On va revenir au mode financier que nous avions avant 2016. Il faudra faire avec.
Les compétitions internationales, ce sera aux entraîneurs de choisir d’aller à telle ou telle compèt pour faire travailler des athlètes. Mais, ce qui représente un mini championnat d’Europe au point de vue du coût. Et organiser coûte 45 000 € à une fédération. S’il s’agit simplement d’envoyer 1, 2, 3 ou 4 athlètes pour qu’ils puissent se mesurer, pourquoi pas ? Mais, pour l’organisation, on n’aura pas les reins assez solides pour traverser cet épisode. De toute façon, il faut mettre un petit stand-by.