Couronnée pour la 3ème fois consécutive chez les jeunes, Gwendoline Philippe n’en finit plus de remplir son palmarès. Désormais triple championne du monde, elle va pouvoir se consacrer pleinement à son rêve ultime, conquérir l’Olympe. A Santiago, dans des conditions particulières, entre cloisonnement à l’hôtel et gaz lacrymogène dû aux manifestations, la jeune Française a dû trouver les ressources nécessaires pour décrocher ce troisième titre.
Par Florian Fournier / Photos : Kphotos
Quel est ton sentiment après ce 3e titre mondial chez les jeunes ?
C’est un soulagement. Je voulais terminer en beauté pour ma dernière compétition avec les jeunes et c’est chose faite. Je suis apaisée et heureuse de cet accomplissement. C’est une chose qui peut sembler facile vu de l’extérieur, mais rester performante dans le temps représente beaucoup de travail et ce titre n’a pas été si facile à gagner. Avec les conditions particulières auxquelles nous avons tous fait face, remporter ce titre est une très belle chose et un bon socle pour construire l’avenir.
Comment s’est déroulée ta compétition ? As-tu réussi à mettre en place ton plan de jeu ?
Ma compétition était particulière. Dès l’échauffement, je sentais mes jambes lourdes et une pointe de doute a commencé à s’installer. Ensuite, j’ai repensé au K1 de Dubaï que j’ai remporté cette année où, dès l’échauffement, j'ai eu le même problème et je me suis dit : « allez Gwendo, il faut partir à la guerre, tu l’as déjà fait, tu peux le refaire. Tant pis si le physique n’est pas là ».
Et tout s’est bien passé. Avant la finale, avec Alexandre Biamonti, on a décidé de ne pas faire d’échauffement pour ne pas me cramer car mon physique n’était pas là. Mais j'ai tout de même réussi à me faire plaisir, à tenter des choses, à être efficace et c'est bien là l'essentiel.
Le statut de favorite a-t-il eu un impact sur toi ?
Je suis passée par tous les états. Les jours qui ont précédé la compétition, mon état d’esprit variait entre « je suis favorite, elles vont toutes me craindre » et « t’as pas le droit à l’erreur, elles te connaissent, il ne faut pas te louper ».
Ces 6 jours n’ont pas été facile à gérer mais une fois sur le tatami, j’ai fait le vide et c’était parti. J’ai fait mon karaté, j’ai pris des risques et j’ai réussi à être efficace malgré mon manque de physique. De plus, dès que je démarrais, je marquais un point, la confiance s’est engrangée et j’ai transformé ce positif en une belle médaille d’or.
Comment le quotidien a-t-il été géré vu le soulèvement populaire et l’intervention de l’armée au Chili ?
Notre hôtel était situé en plein coeur des manifestations et c’était impressionnant de voir autant de monde dans la rue. La journée, c’était quasiment impossible de circuler. Nous avons dû rester à l’hôtel. Seuls les compétiteurs partaient au gymnase. Le seul quartier libre qu’on pouvait avoir, c’était le matin pour un petit footing et quasiment tout le monde en profitait pour le faire, simplement pour sortir et prendre l’air.
Le soir, nous avions interdiction de sortir tant la tension devenait plus palpable dans les rues. On pouvait entendre des détonations et parfois nous devions évacuer des chambres pour ne pas subir les gaz lacrymogènes qui se dispersaient et arrivaient jusqu’à nous. Ce sont des scènes assez violentes mais le staff de l’équipe de France nous a gérés à merveille et ont tout fait pour qu’on se sentent en sécurité.
C’était assez frustrant de ne pas pouvoir aller au gymnase soutenir les copains pendant la compétition mais, pour le dernier jour, tout le monde a pu venir et c’était super. J’ai pu remporter mon titre et le fêter avec tout le monde.
Prochaine étape ?
Je suis déjà « focus » sur le K1 de Madrid (29 novembre – 1er décembre). D’ici là, je vais profiter de ce gros temps de travail pour revoir les fondamentaux et corriger mes points faibles. Madrid va être la dernière grosse compétition de 2019 et il ne faut pas la louper. Dès janvier, le rythme va s’accélérer et on n’aura plus le droit à l’erreur. Il ne faudra plus calculer et foncer pour engranger le plus de points possibles.