Ils sont professeurs de clubs, coachs d’équipes nationales, professionnels ou bénévoles. Ils sont le poumon du karaté, le cœur battant de la pratique. Nous leur donnons la parole dans une série d’interviews. Comment vivent-ils la décision de ne pas autoriser le Karaté aux JO 2024 ? Quelles conséquences ? Comment s’organiser ?... 2e épisode, Gérald Maitre, professeur du KC Combs (160 licenciés) et, notamment de Sofiane Agoudjil et Kajith Kanagasingam.
Par Ludovic Mauchien / Photo : DR
Combs-la-Ville, commune de la ville nouvelle de Sénart, en Seine-et-Marne. 22 000 habitants. Un club de Karaté de 120 licenciés, le CACV, dont l’architecte est Gérald Maitre, 100% bénévole. Malgré son peu de moyens, il emmène régulièrement quatre de ses élèves sur le circuit international de la Premier League. L’annonce faite le 21 février par le COJO de Paris 2024 risque d’être lourd de conséquences. Gérald Maitre s’offusque surtout, dans la décision de ne pas inclure la Karaté, du manque de reconnaissance fait au monde du bénévolat, poumon du sport français.
Le coup de gueule : « le sport, ce sont les bénévoles »
« Cette décision est difficile à accepter et, surtout, à comprendre… Pourquoi pas nous ? Ce qui me choque, c’est quand tu vois ce que génèrent les bénévoles en skateboard et en breakdance en France, sachant que ce qui fait que le sport est ce qu’il est aujourd’hui en France, ce sont les bénévoles, le monde associatif. Cela me fout le plus les boules de voir que c’est la France qui décide de présenter ces deux sports pour 2024 alors qu’ils génèrent zéro bénévole, ou quasiment pas. Ils n’intègrent pas les quartiers, la vie locale… C’est un truc de fou !
Le karaté est présent quasiment partout. Chaque association, c’est minimum deux bénévoles. En fait, on ne développe pas le sport en France avec une telle décision. On développe une « culture ». C’est ce qu’a dit Tony Estanguet. Ils veulent être précurseurs, créer un buzz, créer ceci, cela. Là, on ne développe pas le sport, juste une image et surtout un business. Il faut dire ce qui est. Quelle image donne-t-on au monde entier ?! Que doivent penser les autres pays de cette annonce ? Ils veulent être précurseurs mais... Pfouhhh !
Personnellement, je suis bénévole à 100% en karaté. On est monté à plus de 200 licenciés mais j’ai dû réduire les cours car avec la famille, les enfants et le boulot, je ne pouvais plus. Mais, si on s’investit à fond, on peut toucher énormément de monde. Personne ne s’investit dans le breakdance en termes de bénévolat. Et on les met en avant, alors qu’ils ne demandaient rien !
Cela m’aurait fait moins mal que ce soit la pétanque. Au moins, c’est français, il y a du bénévolat et cela bouge dans les villes. Mais le breakdance… Un sport américain, comme si les Etats-Unis ne pouvaient pas faire ça d’eux-mêmes ! C’est aberrant ! Même en termes de médailles. En breakdance, il y aura 2 catégories ».
L’impact : « Tout va s’arrêter »
« Il y aura un impact économique. Le breakdance ou le skateboard, c’est un choix politique et économique. Mais tu ne développes pas l’économie française, alors que si tu avais choisi le karaté, tu aurais malgré tout développé économiquement les territoires, tu aurais été à la pioche aux médailles…
Je connais plein de pratiquants qui sont très traditionnels, les Jeux olympiques ne sont pas leur dada, mais ils savent très bien que cela leur aurait apporté quelque chose économiquement, cela aurait rapporté des adhérents, du professionnalisme aussi.
Concrètement, un partenariat allait se faire entre le club et une agglomération de communes pour les Jeux de 2024. C’est un projet assez conséquent qui va finalement se faire mais sans karaté. C’est une structure au financement public et privé. Le projet est lancé et ils nous ont déjà aidé cette année. Tout va s’arrêter ».