Elle a disputé sa première compétition Senior en septembre dernier, à Halle. Elle va arriver au Premier League de Rabat (6-8 avril) avec deux finales dans la besace, dont une victoire à Rotterdam en mars !

A 18 ans, Gwendoline Philippe (-61 kg), double championne du monde (Junior en 2015, U21 en 2017), championne d’Europe (Junior en 2016), brille déjà de mille feux. Et si elle grillait la politesse à ses aînées…

Par Ludovic Mauchien / Photos : K-photos


 

Il est rarement aisé de franchir le cap, souvent appelé fossé, entre les catégories Jeunes et les compétitions Seniors. Un temps d’adaptation au timing, à la stratégie, aux techniques des « grands » s’avère souvent indispensable, voire rédhibitoire. A en juger par les résultats de Gwendoline Philippe depuis septembre dernier, il semble qu’elle ne soit pas concernée par cet adage. Six Karate 1, trois podiums : une 3e place au Série A d’Istanbul en septembre, une finale au Premier League de Paris en janvier et une victoire à Rotterdam en mars.

En fait, elle y a trouvé une difficulté… Celle « de se contenter d’une 2e place, de se dire que c’est génial de faire 2e à l’Open de Paris. Mais 2e, cela signifie qu’on n’a pas gagné. Pour moi, cela vraiment été ça, la difficulté. Alors que, chez les jeunes, si je fais 2e ou 3e, c’est absolument un échec ». Gwendoline Philippe est paramétrée pour gagner. Initiée au Karaté à Pornichet, formée au Samouraï 2000 du Mans pendant cinq ans, jusqu’à son arrivée au Pôle France en septembre 2017, elle n’a guère laissé de miettes aux autres depuis ses débuts en compétition.

« J’ai décroché mes premières médailles nationales à 9 ans », raconte-t-elle. « A 11 ans, j’ai décroché ma première médaille d’or. Dans la logique, à 13 ans, j’ai décidé d’intégrer le Samouraï 2000 pour viser encore plus haut. C’est le club phare de la région. Pour moi, c’était le Graal, un truc de fou. Je voulais l’intégrer pour faire championne du monde. C’est bon. J’ai réussi ».

« ELLE MET LA PERFORMANCE AU-DESSUS DE TOUT »

En 2015, elle est vice-championne d’Europe cadettes et remporte les Mondiaux Juniors. En 2016, elle devient championne d’Europe Juniors. En octobre 2017, elle est sacrée championne du monde des U21. En 2018, elle commence à faire peur à toutes ses rivales, ce qui ne surprend absolument pas son formateur, Didier Moreau. « Elle confirme tout le bien que je pensais d’elle par rapport à son niveau technique, sa capacité à absorber les informations -c’est un buvard-, sa force de travail, qui est énorme, voire quelques fois trop. J’ai passé beaucoup de mon temps, quand elle était au Mans, à la freiner et pas à la pousser.

Par exemple, en cours, elle était incapable de rester assise 20 minutes. On a réussi à faire adopter au lycée qu’ils acceptent qu’elle puisse se lever et se promener deux secondes à un moment donné. Si c’est la seule manière qu’elle performe, quel est le problème ? L’athlète doit être au centre.

En plus, elle a un gros bagage technique de compétition. Ura des deux jambes, Mawashi des deux jambes, balayage… Elle exécute les techniques qu’elle veut dans n’importe quel sens. Elle est hyper complète. Et, surtout, mentalement, c’est une tueuse. On dit souvent cela mais, elle, c’en est vraiment une. Elle met la performance au-dessus de tout ».

En septembre dernier, Gwendoline Philippe franchit une nouvelle étape dans sa carrière. Elle quitte Le Mans pour intégrer le groupe olympique. « J’ai visé les Championnats du monde au Samouraï 2000, pourquoi ne pas viser les Jeux olympiques au Pôle France ? Dans la logique des choses, il fallait que je découvre quelque chose de différent. Cela ne pouvait que m’apporter du plus de travailler avec les entraîneurs nationaux et l’élite mondiale du Karaté. Car les filles de l’équipe de France Senior, c’est juste énorme ! ».

« LES JAMBES PARTENT INSTINCTIVEMENT »

Surtout pour elle ! Plus jeune, elle était fan d’Alexandra Recchia. Elle s’entraîne aujourd’hui avec elle. A 12 ans, elle était dans les tribunes de Bercy pour supporter Lucie Ignace et la voir devenir championne du monde. « C’est assez bizarre mais c’est aussi rigolo de les avoir aujourd’hui comme partenaires d’entraînement », sourit-elle.

La Réunionnaise est également l’une de ses principales adversaires en -61 kg, avec Leïla Heurtault, son aînée de quatre ans avec laquelle elle a grandi au Samouraï 2000. Une situation difficile à gérer pour la jeune Vendéenne ? « Que ce soit Leïla ou Lucie, sur le tapis, ce sont des concurrentes, au même titre qu’une Italienne ou autre. Et, à l’extérieur, ce sont des personnes que j’apprécie. J’ai vécu avec Leïla pendant pas mal de temps et, cette année, c’est avec Lucie.

Je ne les vois pas comme des concurrentes directes. Si je donne le meilleur de moi-même et que je ne suis pas assez forte, ce ne sera pas à cause d’elles. Ce sera à cause de moi. Si je suis assez forte et que j’ai le niveau pour y arriver, j’y arriverai. Je me concentre sur moi. Je fais mon truc et on verra bien ».

Son truc, on l’aura compris, c’est gagner et, si possible, avec la manière, avec ses jambes. Pourtant… « Je travaille beaucoup les poings à l’entraînement mais, en fait, les jambes partent instinctivement en compétition. C’est mon truc. J’aime tous les coups de pied, au corps, au visage, les Ura, les Mawashi, les Yoko… Tout ! ».

Actuellement classée n°8 mondiale (Lucie Ignace est 4e et Leïla Heurtault 14e), Gwendoline Philippe s’étonne elle-même de la précocité de ses excellents résultats actuels. « J’en ai peut-être surpris plus d’un mais je me suis aussi surprise moi-même. Je m’entraîne forcément pour gagner mais on est sur du travail à long terme. Je n’osais pas le croire au début. Tout ce que l’on a mis en place a fonctionné. C’est venu tout seul, par le travail et la détermination. J’ai peut-être une étoile au-dessus de ma tête », rigole-t-elle. « J’espère que ce n’est que le début. Je suis jeune et je n’ai pas encore toutes les cordes. Je suis capable de faire des choses très fortes, ma détermination peut me faire gagner mais… A vouloir en faire beaucoup, on en fait parfois trop et c’est cela qui me fait peur avec moi. Ma véritable concurrente, c’est moi-même ».

« MON OBJECTIF, LES CHAMPIONNATS DU MONDE »

A l’approche de Rabat, où elle apparaît dorénavant parmi les favorites pour la victoire finale, Gwendoline Philippe a hâte d’en découdre. « Avant, on avait une compétition tous les deux-trois mois. On oubliait parfois pourquoi on s’entraînait. Les jours se ressemblaient. Là, on a une compétition toutes les deux semaines. Il n’y a pas le temps de souffler, de penser, on est toujours en compèt, avec des objectifs différents. On se dépasse tout le temps. Je m’éclate ! ».

Ses principaux objectifs sont programmés sur le long terme mais à la vitesse où elle s’affirme, ceux-ci pourraient bien être accélérés. Les Mondiaux 2018 (6-11 novembre, à Madrid) sont d’ailleurs dans sa ligne de mire. « Les Championnats d’Europe ne sont pas une priorité dans le sens où, pour les JO, cela ne va pas m’apporter beaucoup de points. Et le niveau est moindre qu’en Premier League, où les 50 premières mondiales sont présentes.

Mon objectif, c’est surtout ma sélection en individuel aux Championnats du monde, qui compteront énormément pour la qualification aux Jeux olympiques. Bien sûr, il faut aussi que je réussisse les Premier League et, déjà, que je performe à Rabat. Ce serait bien de faire une 3e finale d’affilée ». Chiche ?