Pour la 1ère fois de l’histoire, un Français figure parmi les favoris au titre suprême, décerné tous les 4 ans lors du World Open Tournament. Le 12e du nom se déroule ce week-end à Tokyo (22-24 novembre).
Antonio Tusseau est déjà sur place depuis une semaine. Il s’entraîne à fond depuis 6 mois, on pourrait même dire depuis 10 ans. Double champion d’Europe, double vainqueur du « All American Open », le prodige français, 28 ans, arrive à maturité.
Il a poli son style sans gommer sa folie. Il a pris 10 kg pour frapper plus fort. Il est parti s’immerger en Russie et au Japon… Et si c’était son année ? Le moment de l’ultime vérité (kyokushin) est arrivé !
Par Ludovic Mauchien / Photo : L. Mauchien
8 combats de 3 minutes au KO, sans protection, avec épreuve de casse, le tout en 3 jours. C’est ce qui attend Antonio Tusseau pour aller en finale. C’est ce qu’il attend impatiemment.
Le World Open Tournament se déroule tous les 4 ans. Open, c’est pour « sans catégorie de poids ». Concrètement, cela signifie que son 1,84 m et ses 87 kg peuvent potentiellement rencontrer le Brésilien Icaro et ses 2,10 m et 145 kg ou le plus « svelte » du tournoi, le Canadien Chrysat et son 1,70 m et 65 kg.
Il y a fort à parier qu’ils ne se sont pas préparés comme lui, avec autant de volonté. Peu de combattants non professionnels font preuve d’autant d’abnégation et de motivation dans leur art martial qu’Antonio Tusseau.
Passionné de Kyokushin, il lui est aussi dévoué. Antonio Tusseau, c’est plus d’une décennie d’entraînement quasi quotidien. Et quand il ne s’entraîne pas, il donne des cours de… Kyoku, son métier.
C’est d’ailleurs avec ses élèves qu’il s’entraîne principalement depuis 2 ans. Son coach historique ayant pris du recul pour des raisons personnels, il s’est totalement pris en main. Bien sûr, Shihan Legrée veille sur lui d’un œil et Julien Porterie de l’autre, mais il a pris en charge la gestion de son quotidien de champion.
Il y a 2 ans, justement, Antonio Tusseau était l’un des favoris des Championnats du monde par catégorie de poids (90 kg). Il se sentait tellement bien qu’il était persuadé qu’il allait gagner. Il l’a annoncé. Le Kyokushin l’a rattrapé… Il a été sonné, presque assommé. Il a pris du recul pendant une petite année. Il en a profité pour maturer. Il a modifié son Karaté.
Il a notamment pris 10 kg pour atteindre les 87 kg. « Je ne suis plus un petit gars qui se bat avec des géants, qui est obligé de tourner... Je peux leur rentrer dedans comme j’ai envie », nous racontait-il avant l’été. « J’envoie un peu moins de jambe à la tête, mais quand j’envoie, ça touche. Il y a moins de gestion de déplacement. Pour un -80 kg, j’étais grand mais il me manquait un peu de puissance. Du coup, là, j’ai la puissance. Ca change la donne ».
Pour son retour à la compétition, en novembre 2018, au « All Japan », il teste son « nouveau » Karaté. Il perd au 3e tour contre le 4e mondial mais la flamme s’est rallumée. Aux Championnats d’Europe, il finit 3e, battu en ½ finale par le champion du monde des 90 kg, le Russe Luzyn. Et… Et… Arrive New York et le renommé et relevé « All American Open ». On est en juin. Seul Français à l’avoir gagné en 2017, il devient le 1er à le remporter deux fois !
Et… Et… « Une bonne place à New York me permettrait de croire réellement au titre au World Open », a-t-il déclaré avant sa victoire. « Remporter les Championnats du monde Open, ça serait le rêve. C’est le but. Je vais tout donner pour mais… Je n’ai pas envie de me porter la poisse comme en 2017 où j’avais dit à tout le monde que j’allais gagner. Je suis super superstitieux. Je suis allé 7 fois au Japon, je n’ai jamais rien ramené ! ».
Mais… Mais… Au fil des années, il a gommé les hics. C’est ce qui s’appelle l’expérience, et il en faut pour survivre aux 3 jours de compète. Il a commencé par régler le problème du décalage horaire. « En 2016, j’ai eu une très, très mauvaise expérience. Je n’ai pas réussi à dormir pendant 5 jours ! Cela a été difficile de combattre. Je m’entraînais avec Romain (Anselmo). Il me faisait des raquettes et je les prenais toutes dans la tête. Je me disais : « il y a un truc qui ne va pas ! » (il rit). Puis, dans le tournoi, je me prends un high kick en pleine tête. C’est rare que je m’en prenne ».
« JE CHERCHE A METTRE KO DE LA SECONDE 0 A LA SECONDE 180 »
Désormais, il s’entraîne une dizaine de jours avant en fonction du décalage horaire. Si bien que si vous traînez à minuit ou 1 h du mat’ du côté de Boulogne, vous pourriez croiser un Karatéka Kyokushin en partance pour les US ou le Brésil. « J’ai pris l’habitude de m’entraîner la nuit, de décaler mes repas, d’optimiser mon temps de sommeil... Et je vois franchement la différence, même si le décalage horaire est plus compliqué pour le Japon qu’en sens inverse ».
Pour le coup, il a même fait mieux. Il est parti à Tokyo 10 jours avant. Il est accueilli dans la famille d’un de ses élèves franco-japonais, qui l’accompagne pour les séances de pao et les sparrings. Il est à 3 stations de métro de la salle, mais à l’extérieur de l’agitation de Tokyo. Ni trop loin, ni trop près. Il est dans son monde, celui du guerrier Kyokushin avant la bataille.
Ses principaux adversaires ? Il les connaît que trop bien. Ils sont Russes et Japonais. Devinez quoi ? Cet été, il est parti s’immerger 10 jours en Russie et 10 jours au Japon, pour humer leur dureté et tester l’adversité. Antonio Tusseau est prêt !
A 28 ans, il est arrivé à maturité et n’a jamais été aussi fort physiquement. Il est également expérimenté. Il va connaître son 2e World Open Tournament. Son talent et sa folie ont désormais les moyens de s’exprimer pleinement. Car Antonio Tusseau, c’est avant tout un style. « Je peux moins me permettre de folies qu’avant mais je cherche toujours à mettre KO de la seconde 0 à la seconde 180. J’essaie de taper le plus fort possible. Je suis revenu à un style où je cherche vraiment le KO »… Le moment de l’ultime vérité (kyokushin) est arrivé !
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