Retirés des compétitions internationales depuis plus de 10 ans, Stéphane Mari, ancien n°1 du kata français, aujourd’hui conseiller auprès de l’équipe de France, et sa femme Luisa Arrabito, ex-membre kata de l’équipe italienne, continuent de pratiquer le Karaté en toute simplicité.
Profitant de leur vie de famille et de leur vie professionnelle dans le Sud de la France, ils n’en n’oublient pas pour autant leur passion et s’adonnent à dispenser quelques stages à travers le territoire de temps à autres, en l’occurrence au Chesnay.

Par Florian Fournier / Photos : D.R


 

Stéphane Mari, 6e Dan, débute le Karaté à 10 ans dans sa ville de Perpignan avec Jean-Marie Petiau, 5e Dan et aujourd’hui président de la ligue Pyrénées-Orientales. S’il n’est pas spécialement attiré par l’art martial japonais, c’est grâce à ses copains qu’il s’est investi. Portant beaucoup de respect à ses premiers professeurs, il doit une grande partie de sa carrière internationale à Jean-François Tisseyre, 7e Dan, et Jean-Luc Mazaka, 4e Dan. Après sa carrière internationale (vice-champion du monde par équipe en 2000), il continue la pratique du Karaté en famille avec sa femme Luisa.
Intégrant le staff de l’équipe de France pour apporter son œil technique, notamment sur les fondamentaux, il apprécie ce rôle de « l’ombre » qui lui permet d’aider du mieux possible les techniciens français.

Luisa Arrabito, 5e Dan, quant à elle, a débuté le Karaté à 8 ans à Venise. Initiée au Shotokan, c’est en intégrant l’équipe d’Italie à 20 ans qu’on lui propose de changer de style. Un pari payant puisqu’elle va rester 7 ans au sein de l’équipe nationale et terminer trois fois 2e des Championnats d’Europe (1999, 2000, 2001) et deux fois 3e des Championnats du monde (2000, 2002). Arrivée en France après sa carrière internationale pour construire sa vie de famille, elle continue de pratiquer pour le plaisir avec son mari.

Vous avez été tous les deux de grands compétiteurs. Etait-ce une suite logique d’entraîner ?

Luisa : Aujourd’hui, nous n’avons pas de club, nous intervenons seulement pour des stages et c’est quelque chose qui me plaît. De mon point de vue, tout passionné de Karaté qui a fait une carrière, quel que soit le niveau, a envie de transmettre son savoir. Le Karaté n’est pas une pratique égoïste, l’échange est un axe essentiel de cet art martial.
D’un point de vue pratique, ce que j’affectionne le plus est d’enseigner la partie purement technique en y incorporant énormément de pédagogie et d’exercice didactique.

Stéphane : Comme me le disait mon professeur Jean-Luc Mazaka, je suis au service du Karaté. Le Karaté m’a apporté des choses, à moi de les rendre. Que ce soit avec l’équipe de France, ou dans les stages, j’y mets la même implication et la même envie de transmettre mes compétences pour aider au mieux le Karatéka à se développer dans son univers.

Quelles différences trouvez-vous entre être compétiteur et entraîneur de haut niveau ?

Luisa : Etre sportif de haut niveau, c’est une démarche personnelle. On s’entraîne pour soi et on ne pense qu’à soi. Quand on souffre, c’est pour aller chercher des résultats mais cette période ne peut durer qu’un temps. Entraîner demande la même rigueur et le même sérieux qu’une carrière au haut niveau mais en pensant aux autres et en restant focalisé sur le partage et l’accomplissement des élèves.

Stéphane : C’est très différent. Comme l’a dit Luisa, le compétiteur reste toujours concentré sur lui-même. Pour ma part, j’en étais même acariâtre. Le sportif de haut niveau a un rapport très particulier avec la vie sociale. Il doit s’éloigner de beaucoup de choses pour réussir. Alors qu’entraîneur, c’est le partage, l’échange. Ce n’est que du bonheur. J’ai la chance en plus de côtoyer des athlètes sympathiques et dotés d’un super état d’esprit. Donc, pour moi, c’est un réel plaisir d’entraîner.
Le seul point commun que je peux ressortir est l’investissement en temps. Que tu sois sportif de haut niveau ou entraîneur, cela demande une prise de temps considérable et une organisation réglée au couteau.

Avez-vous pensé à entraîner une sélection nationale tous les deux ?

Luisa : C’est un projet qui pourrait m’intéresser mais pas dans l’immédiat. La simple et bonne raison est que pour le moment, notre contexte familial ne s’y prête pas. Quand mes enfants seront plus grands et qu’on aura plus de temps, cela pourrait être un challenge sympa.

Stéphane : Si on devait être embauché tous les deux, ce serait rigolo. Passer sa vie à faire du Karaté c’est fantastique. Après, il nous faut une sélection neutre. Elle est Italienne, elle supporte l’Italie et moi, la France, donc pour la déontologie et pour être sur la même longueur d’onde, il nous faut un pays autre que la France et l’Italie (rires).

Un Français Shotokan, une Italienne Shito ryu, la cohabitation n’est pas trop difficile ?

Luisa : Non, tout se passe très bien. Mon avantage, c’est que j’ai commencé par le Shotokan donc, dans l’état d’esprit, je sais m’adapter. Et le Karaté est une grande famille, peu importe le style.

Stéphane : Vu qu’elle est parfaite, tout se passe bien. Elle a cette capacité à s’adapter partout, ce qui est tout mon contraire. C’est pour ça qu’on est si lié.

Stéphane, quel regard portes-tu sur le Kata italien ?

Ils ont développé une très belle école sportive. Après, ils ont toujours des lacunes techniques au niveau martial. Mais la méthodologie développée au niveau du sportif est très bonne et elle porte ses fruits aujourd’hui. C’est une bonne école avec son style propre qui se démarque des autres.

Luisa, quel regard as-tu sur le kata français ?

C’est une question assez difficile. Je suis les compétiteurs mais pas forcément de très près. Cependant, je pense qu’en France, il y a du potentiel chez certains qui peut être bien exploité. J’espère qu’avec le travail de Stéphane, cela portera ses fruits.

Avez-vous des projets en commun en Karaté autre que des stages ?

Luisa : Dans un futur proche, il n’y a rien à l’horizon. Pour l’instant, on continue de s’entraîner tous les deux pour le plaisir et on verra par la suite ce que la vie nous réserve.

Stéphane : Avoir un club un jour, ça peut être un projet intéressant. Mais pour l’instant, on continue de s’entraîner dans notre jardin, tous les deux et c’est là l’essentiel. M’entraîner à l’air libre avec ma femme deux à trois fois par semaine, c’est mon plus beau projet pour l’instant.