On lui prédisait le plus grand avenir. Lui préfère croquer le présent à pleines dents. Champion du monde Senior à 21 ans, MVP de la compétition et plus belle finale du tournoi ! Steven Da Costa (-67 kg), l’enfant de Mont-Saint-Martin, est devenu le roi à Madrid (6-11 novembre). 

Un sacre qui ne doit rien au hasard, mais tout au talent et à l’entraînement. Le Lorrain a su remettre son Karaté en question ces deux dernières années, pour mieux progresser, pour vivre ce pour quoi il est fait : gagner ! Comment Steven da Costa est-il devenu champion du monde ?

Par Ludovic Mauchien / Photos : Kphotos


 

« Je me suis manqué à Linz il y a deux ans. Je ne voulais pas que cela se produise une 2e fois ». « Se manquer », dans l’esprit de Steven Da Costa, c’est se classer 3e de ses 1ers Championnats du monde à 19 ans. Pour lui, le Karaté a toujours été un jeu. Son plaisir : balancer les Ura Mawashi et Mawashi dans tous les sens. Et, à ce petit jeu, il a longtemps été vainqueur.

4 titres de champion d’Europe, 1 titre de champion du monde et 3 ans d’invincibilité (2012-2015) marquent son passage dans les catégories jeunes. Seul le Turc Burak Uygur, l’actuel double champion d’Europe Seniors, lui tient tête. C’est lui qui va mettre fin à son invincibilité, à son 1er Euro Seniors en 2015, en Turquie (2e tour : décision aux drapeaux). Il finira 5e. C’est sa 1ère grande déception mais pas encore l’heure de la remise en question.

En 2016, il se fait toujours plaisir avec son Karaté champagne et engrange son 1er titre de champion d’Europe Senior à Montpellier. L’ascension promise se poursuit. Quand il débarque en octobre à Linz, pour les Mondiaux, il est la cible de toutes les attentions. Lui n’a qu’une idée en tête : devenir champion du monde. Mais le Hongrois Tadissi lui barre la route du sacre en ¼ de finale (4-2). La médaille de bronze, il va aller brillamment la chercher contre… Burak Uygur (4-1). Pour une première fois, à 19 ans, beaucoup s’en serait contenté. Mais, pour Steven Da Costa, elle ne suffit pas à le consoler.

« Je suis amer, ce n’est qu’une 3e place », nous déclarait-il dans la foulée de son podium. « Pour mes 1ers championnats du monde, c’est un bon résultat mais je n’arrive pas à l’accepter. Je suis très frustré car j’ai battu les deux finalistes (Thomas et Tadissi) aux derniers Championnats d’Europe. On verra la prochaine fois si j’ai appris ».

LINZ 2016 : « ON VERRA LA PROCHAINE FOIS SI J’AI APPRIS »…

On a vu à Madrid ! Qu’a-t-il appris de ces Mondiaux autrichiens ? Que son karaté champagne, ses balayages et ses Ura Mawashi n’étaient pas une garantie suffisante pour gagner régulièrement en Seniors, qu’il fallait diversifier les angles d’attaque et multiplier les options techniques et tactiques. Bref, qu’il fallait désormais enchaîner les séances d’Uraken et de Kizami avec Olivier Beaudry !!!

Car s’il adore jouer, Steven Da Costa ne prend du plaisir que dans la victoire. D’un naturel jovial et sympathique, en cas de défaite, il est d’humeur grommeleuse. Il est énervé, contre lui-même, contre la terre entière. Il boude. Il bout même, intérieurement. « Je suis orgueilleux », reconnaît-il. Mais il bosse. Comme un dingue. C’est un challenge de modifier son Karaté ! Ses premiers essais ne sont pas transformés. Il perd un peu ses marques, subit deux défaites au 1er tour aux Championnats d’Europe 2017 et 2018. Bien qu’il remporte Rotterdam et Salzbourg en 2017, puis Paris en janvier 2018, ce n’est pas tout à fait ça. Il faut laisser le temps au temps, choisir ses pics de forme.

Les Championnats du monde à Madrid pointent à l’horizon. Steven Da Costa sort du bois. Au K1 de Berlin en septembre, il s’incline contre l’Italien Maresca mais va ensuite chercher une belle médaille de bronze face au champion du monde en titre, l’Anglais Jordan Thomas. Mené 4-1, le Français sort un… Ura Mawashi dont il a le secret pour l’emporter 5-4. « Je ne le travaille pas à l’entraînement. Il sort tout seul », souriait-il dans la foulée. « Je sens que je suis prêt… ». On était le 15 septembre.

Au Wizink Center, à Madrid, rien ne semble pouvoir lui arriver. Il maîtrise son sujet à la perfection. Il varie ses coups, privilégiant les techniques de poing, gagne 2-0, 1-0… Seul l’Espagnol Cuerva en 8e lui marque des points (3-2). Le ¼ de finale est symbolique. Il doit affronter son compatriote William Rolle, engagé sous les couleurs du Cameroun. En 2014, quand celui-ci est devenu champion du monde (après 3 autres podiums !), Steven Da Costa était son sparring. Ils se connaissent à la perfection. Ils ont combattu sous les mêmes couleurs. Le flambeau va passer. Steven l’emporte 1-0. Puis il se défait de l’Iranien Derafshipour (2-0). Il est en finale ! Son travail a payé.

« MON KARATE N’EST PAS DIFFERENT, IL EST PLUS VARIE »

Des finales comme celle qui a opposé Vinicius Figueira à Steven Da Costa, qui brillent par leur rareté, leur intensité et le Karaté proposé, on en redemande ! Le Brésilien, champion panaméricain, entame les débats : Mawashi (3-0). C’était pas prévu ! La réponse est cinglante : balayage, comme au bon vieux temps (3-3). Figueira ne se démonte pas : Mawashi Chudan (5-3). L’affaire est à nouveau mal engagée. Puis… le naturel est revenu au galop, l’instinct a ressurgi, le talent a fait la différence : Ura Mawashi geri (6-5). Hip, hip, Ura ! Champion du monde !

« Mon Karaté n’est pas différent. Il est plus varié. Il est plus sérieux, moins champagne. Au départ, c’était un challenge. C’est devenu une habitude et une satisfaction personnelle. Je me prouve que j’arrive à faire autre chose que des balayages et des jambes. Désormais, je fais toutes les techniques, tout ce qui se passe en fait. L’important, c’est de gagner. Peu importe où et quand, il faut gagner », nous déclarait-il à Madrid.

Avec la manière, c’est encore mieux ! Cela lui a déjà valu le titre de meilleur combattant de ces Championnats du monde, décerné par les fans. « C’est ouf ! En plus, c’est grâce au public », s’enthousiasmait-il. « Depuis mon titre, ça n’arrête pas. Mon téléphone est en train de mourir ! ».

Lui non plus ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Dimanche, une semaine après son titre de champion du monde, il va s’aligner à la Coupe de France par équipe avec son club de Mont-Saint-Martin, avec son père en coach, ses deux frères et Mehdi Filali. Pour se faire plaisir ou pour gagner ? « C’est en se faisant plaisir qu’on gagne », rigole-t-il. Surtout avec la famille, dont il est très proche.

 

STEVEN DA COSTA

Né le 23 janvier 1997 à Mont-Saint-Martin (54)

Age : 21 ans

Club : USL Mont-Saint-Martin

Entraîneurs : Michel Da Costa et Olivier Beaudry

Taille : 1,72 m

Catégorie : -67 kg

Palmarès

Champion du monde 2018

Champion d’Europe 2016

3e des Championnats du monde 2016

U21 : Champion d’Europe 2017, 2e des Championnats du monde 2015

U18 : Champion du monde 2013, Champion d’Europe 2013, 2014

U16 : Champion d’Europe 2012, 3e des Championnats du monde 2011

 

Da Costa S Madrid2018P 108