Il le côtoie depuis ses 15 ans, depuis qu’il est au Pôle France. Olivier Beaudry est l’entraîneur et le coach de « el fenomeno » depuis plus de 6 ans. Steven Da Costa (-67 kg) est un phénomène de précocité. Champion d’Europe dans les 4 catégories d’âge, champion du monde Juniors, 2e en U21, il a touché le Graal à seulement 21 ans en devenant champion du monde Seniors en novembre à Madrid. Comment Steven Da Costa est-il devenu aussi fort ? Le décryptage d’Olivier Beaudry.

Par Ludovic Mauchien / Photo : Kphotos


 

Steven a-t-il réussi à te surprendre à Madrid, lorsqu’il est devenu champion du monde ?

Il ne me surprend pas vraiment dans le sens où on l’attend là où il est là. Quand il finit 3e aux Championnats du monde en 2016, il y a une forme de déception. C’était même très fort chez lui. Je n’étais pas déçu parce qu’une médaille mondiale, il faut aller la gagner. Mais je savais aussi qu’il pouvait mieux faire. Tout le monde le savait. A Madrid, c’est une validation de son niveau. Je n’ai pas été surpris parce que je savais qu’il était capable de le faire. Et je pense qu’il peut être encore plus fort.

Après un printemps en demi-teinte, rien ne semble arrêter Steven. Qu’est-ce qui est différent en 6 mois ?

Il commence à mûrir, tout simplement. Il ne faut pas oublier qu’il n’a que 22 ans. Tout ce qu’il a fait avant, c’était déjà exceptionnel pour son âge. Il est jeune. Il va atteindre une maturité qui va arriver presqu’à point pour les Jeux…

Il a aussi fait beaucoup d’effort dans sa préparation, par rapport à son régime, à plein de choses. Enfin, un titre de champion du monde donne également confiance. Tout mis bout à bout fait qu’il réalise de superbes performances.

Sa force, n’est-ce pas cet appétit gargantuesque de victoires ?

Bien sûr ! C’est sa force. Comme tous les grands champions, il déteste perdre. Et, finalement, plus il gagne, plus il a envie de gagner. Il vient d’enchaîner 3 compétitions. C’est le seul au monde à avoir remporter 3 victoires consécutives, Championnat du monde, l’Open de Paris et Dubaï.

Quand je discute avec lui, je sens qu’il a encore plus faim. Plus il mange, plus son estomac grossit. C’est une période où, les années précédentes, il avait plus envie de souffler, là, je sens dans son discours qu’il a encore envie de gagner. C’est une bonne chose !

« MEME QUAND C’EST SERRE, IL RESTE LE PATRON »

Il s’affirme comme le patron…

Oui. Même dans les phases où c’est serré, parce que ses adversaires ne s’engagent pas beaucoup, il reste le patron sur le tapis. Ca, c’est important ! Certains auraient tendance à douter, lui reste le patron, combat jusqu’au bout et arrive à trouver des solutions.

Les difficultés qu’il puisse rencontrer aujourd’hui, sont que ses adversaires sont plutôt sur l’arrière, ce qui peut lui compliquer la tâche. Il est obligé d’aller chercher les points. Et il trouve les solutions, ce qu’il ne parvenait pas forcément à faire avant, et à rester solide. Il a d’ailleurs été très, très solide à Dubaï.

Le travail de fond que vous avez mené depuis 2-3 ans pour modifier son karaté, pour qu’il soit plus « Senior que Junior », semble aussi porter ses fruits…

Steven est encore jeune. L’année dernière correspondait à une 1ère saison d’expérience sur les Premier League. Il verbalise lui-même qu’il avait très bien commencé et, d’un coup, cela a un peu chuté. C’est un garçon qui se crée des challenges. Il ne voulait pas retomber dans ce travers. Le travail de fond, il le fait à l’entraînement au Pôle, et avec ses parents quand il est chez lui aussi.

« CAPABLE DE MARQUER AVEC DES TECHNIQUES SIMPLES »

Qu’avez-vous travaillé en priorité, les techniques de poing ?

Pas particulièrement, on essaie de tout travailler, également les jambes. En fait, il a surtout fallu qu’il soit capable de marquer avec des techniques simples. Il doit continuer à travailler les techniques de poing, parce que, ce qui est instinctif chez lui, ce sont les techniques de jambe spectaculaires. Et elles ne sont quand même pas faciles à mettre ! Il faut qu’il soit également capable de mettre des techniques simples. Il doit encore travailler là-dessus mais cela lui permet déjà de débloquer certaines situations.

Tu ne sais pas ce qui va sortir en compèt. D’une compétition à l’autre, on n’a pas les mêmes sensations. Ce ne sont pas les mêmes choses qui fonctionnent. L’important, c’est de passer.

Pourquoi travailler aussi les techniques de jambe, si elles sont instinctives ?

Certaines sont instinctives, comme le balayage. Il en a encore mis un en finale à Dubaï. Mais il avait malgré tout une frustration car il n’a pas placé beaucoup de techniques de jambes. Il m’a fait la demande de retravailler encore les jambes. « Faut que je travaille mes jambes, faut que je travaille mes jambes… ».

C’est important aussi qu’il soit capable d’enchaîner, qu’il ne reste pas sur une technique. Cela a été le plus gros du travail : qu’il ne se contente pas de faire une technique.

Est-il facile à entraîner ?

Non ! Non, non, il n’est pas facile à entraîner. Il n’est pas facile non plus à coacher. C’est quelqu’un, comme beaucoup de champions, qui est dans la perfection. Dès qu’il y a un truc qui ne va pas, ça lui pose problème.

Surtout, c’est un combattant. Cela veut dire, qu’à partir du moment où l’on fait du travail qui est différent du travail de combat, ça l’enchante moins… Lui, il veut tout le temps se taper.