Pilier de l’équipe de France, champion du monde en 2012, Kenji Grillon est aujourd’hui un combattant connu et reconnu du circuit mondial et tricolore. Combattant au mental d’acier, le Tricolore, revenu de graves blessures, nous raconte cette finale de Bercy 2012 contre le Japonais Ryutaro Araga qu’il a dominé 6-3 en finale des championnats du monde.
Par Florian Fournier / Photos : D.R
« Petit, je voulais être un champion, peu importe le sport. Me retrouver à Bercy devant mon public, avec 12 000 personnes en feu, c’était l’occasion parfaite d’accomplir mon rêve. Des ambiances comme celle-ci, en tant que fan de sport, c’est ce dont je rêvais le plus. Je me suis donc plongé directement dans ma bulle, j’ai récupéré toutes les bonnes ondes pour partir au combat et livrer une bataille féroce pendant 4 minutes contre Araga.
J’étais transcendé, je connaissais mon adversaire, un combattant imprévisible, doué techniquement et capable de tout. Dans le pur style japonais, je savais que pour gagner je ne devais pas le laisser attaquer en premier. Dans ce combat, je prends l’avantage, il revient, je repasse devant, il revient après une petite erreur de ma part, puis il prend l’avantage. Mais, à aucun moment, je n’ai douté. Je suis resté concentré sur chaque action. L’intensité mentale était très forte, je suis revenu à 3-3 et, ensuite, j’ai réussi à faire la différence. Avec Araga, dans tous les combats qu’on a pu livrer, il n’y a pas beaucoup d’échange technique. Mais en termes de travail de distance et de timing, c’est toujours très intense.
Dans ce combat, je me souviens très bien d’un moment assez paradoxal que je déconseille aujourd’hui en tant que coach auprès de mes élèves. A 5 secondes de la fin, lorsque je mène 6-3, je pourris légèrement le combat et, dans ma tête, je sais que j’ai gagné. Alors que c’est une attitude que je déconseille à mes élèves et que moi-même je n’ai jamais eu dans ma carrière. Tant que le combat n’est pas terminé, tout peut arriver surtout quand il n’y a que 3 points d’écart. Mais sur ce combat, va savoir pourquoi, mentalement, j’ai réagi à l’inverse de mes principes. Je me sentais intouchable.
Le Uraken…
Pour le Uraken, je suis à bonne école (rire). Mon coach, Olivier Beaudry, était reconnu pour ça, la « Beaudrillette ». C’est une technique que je travaillais énormément à l’entraînement et, à un moment, j’ai senti que c’était l’instant pour le faire. On n’en voit plus énormément mais j’étais content de le réussir. C’est toujours satisfaisant de reproduire les schémas d’entraînement en compétition. Et ça permet de faire un clin d’œil à Olivier pendant la finale. C’est ça aussi, la beauté du sport.
Le combat terminé, j’explose de joie et je savoure ce moment avec le public. Pour moi, c’est ça le sport, à l’image du joueur de foot qui marque le but de la délivrance à la 90e minute. L’émotion ressentie à ce moment-là y ressemble fortement.
Encore sur mon petit nuage, ma famille (surtout ma maman) m’a vite fait comprendre qu’un champion ne s’arrête pas à un titre. Il enchaîne les performances et doit s’inscrire dans la durée. J’ai donc savouré comme il se doit cette victoire mais j’ai aussitôt basculé vers l’avenir.
Lors de ma blessure qui intervient au moment où je suis le N°1, cette victoire m’a fortement aidé à remonter la pente. J’ai fait de l’imagerie mentale et ce titre est un point positif de ma carrière. J’ai donc cherché les émotions procurées par ce combat pour surmonter ma blessure, revenir plus fort et espérer goûter de nouveau à ce genre de moment.
Gagner à la maison avec un tel public, je pense que c’est impossible de faire mieux. Mais pour le clin d’œil, pour l’histoire et pour fermer la boucle aussi, battre Araga en finale des JO à Tokyo serait magnifique ».