Multiple champion du monde et champion d’Europe, le Français Alexandre Biamonti est l’un des palmarès les plus remplis du karaté tricolore. Connu et reconnu pour ses titres mais aussi pour sa façon de combattre qui était dynamique et spectaculaire, il revient pour ce nouveau numéro de « My best fight » sur sa finale des championnats d’Europe 1996 à Paris contre le Turc Kandaz en -65 kg.
Par Florian Fournier / Photo : D.R
Des combats, il peut en raconter des centaines, tant sa carrière fut riche de succès mais le Marseillais Alexandre Biamonti nous a sélectionné l’un des plus mémorables. Un score de 6-3, une ambiance électrique, un spectateur de renom… C’est sa finale des Championnats d’Europe 1996.
« Instinctivement, deux combats ressortent, la finale des championnats du monde par équipe en Allemagne (2000) où je gagne mon combat en 27 secondes contre un Allemand et ma finale des championnats d’Europe en 1996 à Paris. Cependant, c’est de cette dernière que nous allons parler. Emotionnellement c’est un moment inoubliable de ma carrière. Avant cette compétition, j’ai effectué énormément de visualisation et je me répétais sans cesse : « les phases qualificatives vont être faciles mais la finale sera accrochée et seule une technique fantastique me sortira de là ». Et c’est ce qui s’est passé.
Cette finale, je l’ai gagnée avec les tripes et la rage de vaincre qui m’ont habitées pendant toute ma carrière. Ce jour-là, mon père et Dominique Valera (mon papa du karaté) étaient présents. Il était impossible que j’échoue en finale. Dans mes visualisations, gagner devant mon père et Dominique Valera était mon souhait le plus cher.
J’affronte le Turc vice-champion du monde Kandaz (actuel entraîneur d’Aghayev). Le fait de m’attendre à vivre une finale à rebondissement m’a aidé à gagner. Je marque en premier deux fois puis il inscrit 3 points. Je continue d’être agressif et je marque à nouveau deux fois grâce à des techniques de poings pour reprendre l’avantage (4-3). A l’époque, les combats se terminaient au premier à 6 points.
A 40 secondes de la fin, on se retrouve dans un coin du tapis. Il m’a enfermé. Je tente un ashi baraï à la manière d’un judoka suite à un kizami tsuki de Kandaz. La technique passe (6-3) et je deviens champion d’Europe à Paris dans un stade Pierre de Coubertin plein à craquer, devant mon père et Dominique Valera.
On peut d’ailleurs voir à la fin du combat que je tends mon poing en direction de Dominique, une manière de lui dédier cette victoire. C’est une personne qui a poursuivi l’éducation de mon père qui était dans le respect et le travail à travers le karaté. Un grand champion doit allier la tradition technique et le côté sportif, athlétique. Et c’est en cela que Dominique m’a énormément apporté. Tout comme mon Sensei de l’époque, Albert Caelles.
Emotionnellement et psychologiquement, cette finale m’a énormément marqué. Je me sentais comme un hélicoptère au-dessus des nuages. Je survolais mon karaté et j’avais l’impression d’être intouchable. Ajoutez à cela l’amour du public et la fierté de porter l’écusson tricolore et vous obtenez cette victoire. D’ailleurs, elle est étudiée en Fac et université du sport avec l’aide d’Hubert Ripoll qui a analysé et décrypté de manière psychologique cette finale dans son livre « le mental des champions ».
Aujourd’hui encore, ce combat m’aide quand je coache. Pour l’histoire, j’ai suivi Gwendoline Philippe lors de ses 3 titres de championnes du monde (Junior et deux fois en U21). Je l’ai aidée à se transcender pour atteindre son objectif avec cette technique de visualisation.
Pendant ma carrière et aussi sur ce combat, j’ai toujours eu une attitude de guerrier, de fauve. Je regardais toujours mon adversaire dans les yeux comme si c’était une proie. Sans manquer de respect mais un combat est un combat et celui qui doit en ressortir vainqueur, c’est moi. Je n’ai jamais eu cette attitude que certains peuvent avoir de se checker ou de parler avec leurs adversaires avant un combat ».