Le week-end dernier, Stanislav Horuna remportait la médaille d’or des Jeux européens en dominant le « King » Aghayev, son meilleur ennemi sur le tatami, son meilleur ami sur le circuit. Ni leur concurrence directe pour la qualification olympique, ni l’appât de l’or ne viennent ternir cette amitié.
L’Ukrainien, qui vit actuellement la période la plus prolifique de sa carrière (à un an des JO…), revient sur son copain Rafa, sa victoire à Minsk, la clé de son succès face à Aghayev, construit grâce à son revers en ½ finale de l’Euro…
Par Ludovic Mauchien / Photos : Kphotos
Ce sont certainement les deux meilleurs potes du circuit. Une amitié qui stoppe dès l’entrée sur le tatami. Mais pas le respect mutuel. Aucun cadeau, mais aucune entourloupe. Et toujours un combat engagé, où chaque instant peut offrir une envolée lyrique, un moment magique.
Rien ne semblait pourtant prédestiner une telle amitié, si ce n’est la beauté du sport. L’un est Ukrainien et avocat, Stanislav Horuna, le 2e est Azerbaïdjanais et Karatéka, Rafaël Aghayev. Les deux sont en concurrence directe en -75 kg et le 2e a certainement privé le 1er de plusieurs titres.
D’ailleurs, le 1er combat dont se souvient Horuna était (déjà) une finale (ils s'étaient déjà affrontés à l'Euro 2012). C’était au Premier League de Tuymen en 2013. Horuna venait de remporter la 1ère de ses 9 victoires en Karate 1. Aghayev était déjà 4 fois champion du monde. C’est le Caucasien qui va gagner.
Leur dernier affrontement, le 5e, c’était donc la finale des Jeux européens à Minsk dimanche dernier. Cette fois-ci, c’est Stanislav Horuna qui a maîtrisé son sujet. Un Ura Mawashi à montrer dans toutes les écoles, 4-0 ! Rarement, « Stan » avait autant dominé « Rafa ».
Un hasard ? Pas vraiment. A la sortie de son combat perdu en ½ finale des Championnats d’Europe à Guadalajara, le champion ukrainien nous confiait qu’il « avait compris comment ‘’le’’ battre ». Visiblement, ce n’était pas des paroles en l’air ! A Minsk, Horuna, 30 ans, a signé sa 2e victoire en 2 mois, sa 4e en un an, certainement la plus belle de sa carrière.
Sur le podium, l’Ukrainien semblait désemparé face à la tristesse de l’Azerbaïdjanais. Car seul le temps de l’affrontement leur fait oublier leur amitié. Et pourtant, leur duel va devenir de plus en plus prégnant.
Stanislav Horuna est actuellement 6e au ranking olympique, et 1er non qualifié (voir ranking JO ci-dessous), la faute à des Championnats du monde manqués (défaite en 16e de finale contre Bitsch). Il compte 360 points de retard sur l’Américain Thomas Scott (5e) et 640 sur un certain… Rafaël Aghayev (4e).
Vice-champion d’Europe 2014, 2017, 3e en 2018 et 2019, l’Ukrainien pourrait bien être l’homme de l’année 2020…
Sa médaille d’or…
« Peu de gens peuvent ressentir et vivre ce moment sur le podium, lorsque vous remportez cette médaille d’or, lorsque vous battez le meilleur combattant. C’est beaucoup de plaisir, beaucoup de satisfaction, car beaucoup de travail a été effectué. Un long chemin a été parcouru. À Minsk, cela s’est transformé en or. C’est très important pour moi d’avoir réalisé cela, d’avoir remporté ce titre. Que puis-je dire ? C'est le meilleur résultat de ma carrière. Bien sûr que je suis heureux ».
Sa finale contre Aghayev : 4-0…
« En mars dernier, nous nous sommes rencontrés en ½ finale avec Rafaël aux championnats d'Europe. J'ai perdu. Mais juste après le combat, je t’ai dit que j'avais recueilli de nouvelles informations sur son travail, sur ses déplacements. Je me suis donc entraîné en conséquence. Avant la finale (à Minsk), je savais ce que je devais faire avec lui. Je pouvais prédire ses mouvements. J'étais prêt à le combattre ».
1er à Rabat et à Minsk. Un nouveau Horuna ?
(Il rit) « Pas nouveau, pas nouveau, mais en ce moment, je suis en pleine forme. Si je suis capable de conserver ma forme au cours de l’année à venir, on me verra souvent dans des finales. Tout tient à ma forme. Je me sens bien, je n’ai plus de problèmes financiers, etc (Sergei Bubka a investi pour payer une préparation de haut niveau à l’équipe nationale de karaté. On parle de 1 M$).
Nous avons fait beaucoup d’entraînement, des entraînements très intensifs. C'était très dur. Nous avons beaucoup travaillé avec des techniques de récupération pour pouvoir s’entraîner plus, encore et encore. C'était vraiment très dur. Après ça, je n’ai rien fait pendant une semaine sauf du karaté. C'était notre programme avant Minsk ».
Son amitié avec Rafaël (Aghayev)
« Notre amitié avec Rafaël est un peu spéciale. Nous ne parlons pas très souvent. Mais nous suivons toujours nos résultats respectifs. Nous savons tous les deux que, sur le tatami, chacun se battra encore plus intensément que s'il affrontait quelqu'un d'autre. Nous savons que nous ne nous simplifierons pas la tâche sur le tatami. C’est du vrai combat !
Et, à cause de cela, parce que nous réalisons tous les deux notre compétition entre nous, notre amitié est plus précieuse que celle avec les autres athlètes. Cette compétition entre nous est loyale et, malgré cela, nous nous soutenons toujours.Je pense que c'est parce que nous nous respectons beaucoup.
Je ne me souviens pas du moment exact où l’on s’est rencontré. Notre amitié s’est faite naturellement. La première fois, nous n’avons pas beaucoup parlé. Depuis, le temps a oeuvré, nous avons appris à nous connaître. Mais c’est difficile à expliquer
Avant nos combats, quand on se salue, on ne se parle jamais. Nous sommes dans le même état mental et nous connaissons et comprenons les pensées de l’autre.
Pour moi, c’est une chance d’être dans la même catégorie que Rafaël. C’est le principe de base des joueurs d’échec - vouloir s’améliorer - jouer avec les plus forts ! Je suis d'accord avec ça ! Et je suis très fier d’avoir un adversaire aussi fort dans ma catégorie ! ».
Le ranking olympique
(1er juillet 2019)
- Asgari, 4537
- Busa, 4350
- Nishimura, 3922 (qualifié d’office)
- Aghayev, 3825
- Scott, 3547
- Horuna, 3187
- Otabolaev, 2310
- Harspataki, 2287
- Eltemur, 2272
- Abdelaziz, 2257
Juste après la finale gagnée par Stanislav Horuna..