Présent le 20 janvier dernier dans les Yvelines pour effectuer un stage, le double champion du monde Kata (2010, 2012) Antonio Diaz est revenu pour nous sur sa carrière longue de 19 ans, ses ambitions et sa vie de karatéka au Venezuela. Découvrez un champion humble, passionné et amoureux de sa discipline.

 

Par Fournier Florian
Photos : DR
Prêt pour l’Open de Paris ?
 
Je me sens super bien ! Cette saison, je n’ai pas forcément de pression, je viens pour voir le niveau des athlètes et prendre du plaisir. Evidemment, je me suis préparé pour faire la meilleure performance possible mais la course à l’olympisme ne démarrant pas à Paris, je ne ressens pas de pression particulière.
 
Le Karaté aux Jeux olympiques, c’est top, non ?
 
C’est un rêve ! Et je suis très content de voir que Kumite et Kata seront tous les deux présents aux Jeux. Le Kata est aussi important pour notre sport. C’est une très bonne chose de voir les deux aspects du Karaté. Il n'y a pas longtemps, lors d’un séminaire, des gens m’ont dit : « les arts martiaux ne sont pas un sport. Nous ne mélangeons pas le traditionnel et le sportif ». Mais, pour moi, il faut ouvrir son esprit et prendre ce qui est bon partout, dans le sport comme dans le traditionnel. Grâce aux JO, le Karaté sera exposé et son nombre de pratiquants augmentera. Ce sera ensuite aux Senseï d’expliquer aux enfants que, dans le Dojo, il y a le traditionnel et "le sportif". Mais ce sont les mêmes valeurs et nous devons continuer à développer notre discipline.
 
Tu t’imagines parfois à Tokyo ?
 
Pour moi, c'est un rêve de participer aux Jeux olympiques. Mon plan était de prendre ma retraite après le dernier Championnat du monde à Linz (octobre 2016). Mais quand j'ai vu la cérémonie d'ouverture des JO de Rio, je me suis dit : « Non, c'est impossible que tu t’arrêtes maintenant que le Karaté est olympique ». Je vais essayer de faire de mon mieux pour y participer, même si j'aurais préféré que le Karaté soit aux Jeux olympiques en 2012 car j’étais à mon meilleur niveau. Mais je vais tout de même tout faire pour y participer en 2020.
 
Comment fais-tu pour être encore compétitif à ton âge ?
 
(Il sourit) L’âge est un facteur important mais on voit dans tous les sports que ce n'est pas un problème aujourd’hui d’avoir plus de 35 ans pour faire des résultats. La technique et une approche scientifique de notre corps nous permettent d'être compétitifs plus longtemps. Mais c'est aussi important d'être intelligent dans son entraînement. Un long échauffement et une bonne récupération nous permet d’éviter les blessures et de tenir sur la durée au haut niveau. Il ne faut pas oublier qu’en kata, la technique est un aspect primordial. Même si c'est normal, qu’avec l'âge, nos capacités physiques diminuent, nous compensons ce manque avec la technique.
 
Kiyuna est invincible depuis 2013, même si 2020 est encore loin, penses-tu qu’il gagnera les JO ? Il a bien une faiblesse, non ?
 
C'est un karatéka que j'ai vu grandir depuis 2012. Je pense qu' il a atteint sa maturité aujourd'hui. Le fait que les Jeux olympiques se déroulent à Tokyo lui donnera encore plus de force, et aussi l'avantage du terrain. Quand vous êtes champion du monde, vous avez déjà un petit avantage. Donc, si vous êtes champion du monde et à la maison... Mais, au-delà de ça, c'est un karatéka qui a une technique exceptionnelle et une très grande puissance. Cependant, je ne pense pas qu'il soit impossible de le battre. Personne n’est invincible ! Sa faiblesse va certainement être cette pression de garder son invincibilité le plus longtemps possible. De plus, il va devoir réussir ce que personne n'a jamais fait : être champion olympique, et de surcroît à la maison.
 
On voit de plus en plus de karatékas, femmes comme hommes, faire à la fois des Katas Shotokan et Shito-ryu dans la même compétition. Que penses-tu de cela ?
 
Je respecte les gens qui font cela parce que c'est très difficile. Premièrement, réussir à avoir une bonne technique dans un style est déjà compliqué alors dans deux ou trois styles, c'est vraiment difficile. Parfois, j'utilise différents styles en compétition mais ces styles sont similaires. Le Shito-ryu et le Goju-ryu sont proches. Mais faire un Kata Shotokan puis un kata Shito-ryu ou Goju-ryu n’est pas évident. Peut-être que la raison pour laquelle les gens utilisent ces deux styles est, qu’aujourd’hui, les compétitions comprennent sept ou huit tours pour gagner. Les Shotokan n’ont peut-être pas sept ou huit katas de très haut niveau. Ils intègrent donc le style Shito-ryu dans l'espoir d’avoir beaucoup de katas puissants. Mais mon ambition est de garder un style similaire.
 
Tu as presque 20 ans de carrière, tu as connu toutes les époques, celles de Milon, de Valdesi et maintenant, de Kiyuna. Qui est le meilleur selon toi ?
 
C'est une question difficile. Premièrement, j’ai eu la chance de m’entraîner avec mon idole Tsuguo Sakumoto Senseï (champion du monde en 1984, 1986, 1988). Mais je n'ai pas pu me mesurer à lui, il avait déjà pris sa retraite quand j'ai commencé. Par contre, j'ai eu la chance de voir Mickaël Milon à l’Open de Paris et de partager un podium avec lui en 1999. Pour moi, c'était comme un rêve. Mickaël Milon était une super star. Avec Luca Valdesi, c'est différent. Notre rivalité était intense et longue. C'est un très bon karatéka. Mais c’est difficile de dire qui était le meilleur. Tous ces grands champions ont apporté quelque chose au Kata. C'était un honneur de participer aux mêmes compétitions qu'eux.