Deux semaines pile après les Championnats d’Europe, 6 jours avant le Premier League de Rabat, 1er K1 à compter à 100% pour la qualification olympique, se tiennent les Championnats de France Kumite au Palais des sports de Marseille (13-14 avril). L’absence de la plupart des n°1 annonce de magnifiques duels à venir. Mais quelle valeur accorder à ce titre ? Quels enjeux concernent ces Championnats de France ? Yann Baillon, le Directeur des équipes de France, livre ses réponses et son regard sur l’équipe de France, l’approche des JO...
Par Ludovic Mauchien / Photo : Kphotos
Les multinationales sont-elles en train de tuer l’artisan ? Les enjeux mondiaux priment-ils (trop) sur les appétences nationales ? A regarder la réaction des clubs de foot français au regard du projet de réforme de la Ligue des champions qui, grosso modo, les enverrait en 2e division mondiale, la question se pose.
Et en karaté ? Une victoire dans un Premier League compte-t-elle plus qu’un titre de champion de France ? Que vaut un titre national aujourd’hui ? A-t-il la même valeur « qu’avant » ?
L’absence de la plupart des internationaux, engagés la semaine prochaine à Rabat, répond en partie à la question. Quelque part, tant mieux !... Pourquoi ? Prenons l’exemple des Championnats de France de Taekwondo, sport qui vit pour et par les JO depuis 2000. La disparité de niveau est telle entre les internationaux, entraînés en pôle olympique, et les combattants de club, que le nom des futurs vainqueurs ne donne quasiment lieu à aucun suspense. Seuls un ou deux duels peuvent agrémenter le tournoi.
Le karaté n’en est pas (encore) là. Il a de la réserve. Dans la majorité des catégories, deux, trois ou quatre athlètes peuvent prétendre au titre en l’absence (ou non) des internationaux. Ca promet pour ce week-end à Marseille !
Mais ce titre ne sera-t-il pas dévalué en l’absence du « meilleur » ? Quelques semaines peut-être. Pas pour l’histoire ! Un titre de champion, c’est l’ADN d’un palmarès de sportif. Un titre, ça reste !
C’est ce que se sont certainement dit quelques internationaux qui vont combattre à Marseille et à Rabat, notamment Alizée Agier, Marvin Garin et Kenji Grillon. Ces deux derniers, comme Maxime Relifox et les frères Da Costa (Logan, Jessie et Steven) vont aussi combattre en équipe dimanche. Pour l’heure, Yann Baillon, le directeur des équipes de France, fait le point sur les enjeux nationaux et internationaux.
Quels sont les enjeux d’un championnat de France 2019 coincé entre les Championnats d’Europe et le K1 de Rabat ?
Il y en a plusieurs. Il y a un enjeu pour le collectif France qui est de se relancer un peu, de se remettre en confiance. Il y a celui d’augmenter son palmarès national. Un titre de champion de France, c’est quelque chose qui reste. Il y a aussi des records à battre. Je sais que certains se battent pour cela.
Pour les autres athlètes, c’est une possibilité de se faire voir afin d’éventuellement intégrer le collectif, participer à des stages de préparation, donc montrer aux entraîneurs nationaux que, même si on n’est pas les premiers, on est là et on progresse.
« AUJOURD’HUI, ILS SONT UN PEU NOYES »
N’avez-vous pas l’impression que le titre de champion de France est un peu dévalorisé aujourd’hui ?
Un petit peu dans le sens où il y a désormais beaucoup, beaucoup de compétitions internationales de très haut niveau. Il y a 15-20 ans, il y avait l’Open de Paris, les Championnats d’Europe et les Championnats du monde. Les Championnats de France permettaient de sélectionner, de montrer qu’on était le meilleur. Il n’y avait pas 36 possibilités de le montrer. Aujourd’hui, forcément, ils sont un peu noyés dans toutes ces compétitions.
Le Premier League de Rabat se profile (19-21 avril). L’équipe est-elle fin prête ?
Ils se sont bien préparés, même si j’ai trouvé qu’il y a eu une période de relâche psychologiquement après les Championnats d’Europe. Car, malgré tout, les Championnats d’Europe étaient un objectif très important pour le staff et les athlètes. Il a fallu faire monter la sauce tout doucement pour Rabat ? en espérant que cela se passe bien.
C’est le 1er tournoi qui compte à 100% (hormis les Championnats du monde). L’avez-vous présenté comme un tournoi encore plus important que les précédents ?
Pas du tout ! Notre discours avec les athlètes est que les qualifications olympiques sont un marathon, pas un sprint, et qu’il faut tenir sur la longueur, être régulier.
Etre régulier, ce n’est pas gagner à chaque fois. On sait que c’est impossible. Mais d’essayer de se placer à chaque fois dans le dernier carré, d’emmagasiner des points, d’être dans une démarche progressive sur l’année qu’il reste de qualifications. Rabat compte certes à 100% mais il y a énormément de tournois à suivre. Il ne s’agit pas de gagner Rabat et de perdre tous les autres. Il faut être mesuré. On est d’ailleurs aussi très mesuré sur l’objectif olympique.
« PAS UN DISCOURS FORCEMENT FACILE A ENTENDRE… »
Qu’entendez-vous par « être mesuré » sur l’objectif olympique ?
Il est certes très important. Le karaté est olympique à Tokyo et on veut tous bien y figurer. Mais il y a aussi d’autres compétitions, d’autres objectifs. Aux JO, il y aura très peu de personnes de qualifiées. Il faut aussi que l’on prépare et que l’on entretienne la motivation de nos athlètes.
Le parcours olympique est tellement long, difficile et périlleux que la difficulté est de s’y qualifier, pas de faire une médaille. Les Jeux sont donc un objectif certes important, mais qui ne concerne pas tout le monde. Il faut que les athlètes en soient persuadés.
S’ils ne vont pas aux Jeux, quels sont leurs objectifs derrière ? On a donc un discours très mesuré par rapport aux Jeux. Il faut se battre pour s’y qualifier parce que c’est un superbe objectif, mais il y en a beaucoup d’autres à suivre.
Oui mais quand même… D’autant qu’il risque de n’y en avoir qu’un…
Ce n’est pas un discours forcément facile à entendre. L’impact des Jeux olympiques sur un athlète de haut niveau est logiquement énorme. Mais on essaie de placer le curseur de façon plus stratégique. Les Championnats d’Europe, les Championnats du monde. Ce sont des compétitions où gagner, monter sur le podium, est important. Dans une carrière, on retient ces titres-là, pas forcément le fait d’avoir participé aux JO.
Il y a aussi les Jeux européens se profilent dans deux mois. C’est une très, très belle compétition, valorisante, assez médiatique. C’est un objectif que chaque athlète doit pouvoir atteindre.