C’est un coup de massue qui vient de s’abattre... Lucie, c’est fini ! Elle estime qu’on lui a fait un coup de Jarnac. Et hop ! Un coup d’avion, direction La Réunion. Un coup de sang ? Pas vraiment… 

Lucie Ignace, non sélectionnée en individuel pour les Championnats du monde de Madrid (6-11 novembre), a décidé d’abandonner son rêve olympique et de quitter l’équipe de France. Hallucinant ! 

Championne du monde en 2012, vice-championne du monde en titre, triple championne d’Europe, la Réunionnaise tire sa révérence à 25 ans. Elle rentre au pays, la tête pleine de projets et le cœur un brin… libéré ! Un choix surprenant ?

Par Ludovic Mauchien / Photos : KPhotos


Dimanche 30 septembre, dans le Journal de l’Ile de la Réunion (JIR), Lucie Ignace annonce ne pas être sélectionnée en -61 kg pour les prochains Mondiaux et, de ce fait, elle tire un trait sur l’équipe de France et la qualification olympique ! Pour de la news, c’est de la news !

On connaissait la concurrence rude en -61 kg entre Leïla Heurtault, Lucie Ignace et Gwendoline Philippe (par ordre alphabétique…). On ne savait pas les conséquences que cela pouvait produire. Après 10 années d’équipe de France, ponctuées de 27 médailles internationales en individuel, riches d’un titre mondial (2012), de trois sacres européens (2015, 2016, 2018) et plusieurs épopées par équipe, Lucie Ignace s’en retourne dans ses pénates.

Programmée pour le K1 de Tokyo, sélectionnée en équipe aux Mondiaux, elle a refusé tout de go. Elle estime vivre une injustice, qui s’avère fatale à la course olympique dans son esprit. Elle a quitté la Métropole pour La Réunion, où nous l’avons jointe.

Quel est ton sentiment ? L’équipe de France, c’est toujours fini ?

Mon sentiment ? Je ne sais pas trop… Sinon que je suis dans le même état d’esprit que lorsque je suis partie de Paris. Pour moi, l’équipe de France, c’est fini. J’ai tiré un trait. J’ai refusé ma participation au Karate 1 de Tokyo et aux Championnats du monde. Si je pensais à une suite avec l’équipe de France, je n’aurais peut-être pas fait les « Monde », mais je serais quand même partie à Tokyo. Quand j’ai pris la décision de partir, c’était bien réfléchi.

« L’EQUIPE DE FRANCE, C’EST FINI. J’AI TIRE UN TRAIT »

Cela signifie-t-il que tu tires aussi un trait sur les JO, ou vas-tu continuer de ton côté ?

Non, je ne vais pas essayer de me qualifier. Les Championnats du monde sont une étape hyper importante, le coefficient est hyper élevé et les points comptent à 100%. Les combattantes étrangères qui vont performer vont entrer dans les dix premières au ranking. Et ensuite ? Elles ne vont pas rester chez elles ! Elles vont continuer à aller faire les compétitions, des Karate 1. Certains font même des Series A, alors que l’on n’en fait pas en équipe de France. Elles vont donc avoir le maximum de points et, en plus, elles vont continuer à en engranger. Je n’ai simplement pas envie de courir après des points.

Ces Mondiaux sont les derniers avant les JO. Cela aurait été les derniers pour moi aussi puisque j’avais prolongé ma carrière uniquement pour la compèt en individuel et, surtout, pour tenter d’aller chercher une qualif’ olympique.

Sentais-tu venir ta non sélection ou cela a-t-il été une surprise totale ?

Je le sentais venir parce qu’en début de la saison, ils envoyaient ma concurrente à des compétitions pour qu’elle ait le maximum de points afin de participer aux Karate 1. De mon côté, j’ai réussi à faire mon travail. Et, pour moi, c’est le travail qui doit payer.

J’ai eu pas mal de gens, de grands sportifs qui sont choqués par le fait que j’ai été championne d’Europe il y a 4 mois et que je suis encore une grande favorite pour les Championnats du monde. J’ai été vice-championne du monde en 2016. Et tout le monde sait, qu’au tirage au sort les favorites sont séparées, ne sont pas dans les mêmes tableaux.

« ETRE ATHLETE… ON N’A PAS DE TEMPS POUR SOI »

Es-tu plus déçue, en colère ou fataliste ?

Je dirais déçue. Ce n’est pas de la colère parce que je suis quelqu’un de très réaliste, avec les pieds sur terre. Je ne cours pas après quelque chose pour rien. Les points acquis aux Mondiaux, c’est énorme ! Mais ce n’est pas de la colère ou de la rage, c’est de la déception car cela passe aussi par un manque de respect.

Désormais, qu’as-tu envie de faire ?

Avant toute chose, je suis rentrée à la maison ! Etre athlète, surtout pour moi étant à la Réunion, c’est beaucoup de déplacements, beaucoup de sacrifices. On rate beaucoup d’événements familiaux. On n’a pas de temps pour soi, tout simplement. On ne fait que travailler, s’entraîner, aller en compétition. Et hors compétition, on a des régimes, on doit faire attention à tout, etc. C’est énormément de contraintes. On a le temps de ne rien faire. Avec tous les déplacements, plus les 11 heures de vol pour moi à chaque fois, ce n’était pas facile.

Le plus important pour moi, c’est d’avoir du temps pour soi et d’avoir une vie stable et saine. J’ai envie de profiter de mes proches, j’ai aussi des projets par rapport à la jeunesse réunionnaise. Cela se fera tout doucement, dans le Karaté et dans quelques sports qui m’intéressent. Je suis une fan d’athlétisme. J’aime beaucoup le 100 m. On m’avait déjà parlé d’essayer auparavant mais j’étais athlète de haut niveau en Karaté.

« MAINTENANT, J’AURAIS LE TEMPS DE PENSER A AUTRE CHOSE »

Tu donnes l’impression d’être libérée d’un poids…

Libérée ? Je ne sais pas trop... Mais je suis en accord avec moi-même. Tu n’es pas le premier à me dire ça, je ne sais pas pourquoi (elle rit). Mais j’ai bien réfléchi avant de prendre ma décision. Je suis en accord avec mon choix, donc avec moi-même. C’est le plus important pour moi. J’ai aussi le soutien de mes parents, de mes proches et leur compréhension. C’est aussi important pour moi.

Quand tu dis avoir « bien réfléchi », s’agit-il uniquement de la semaine dernière ou avais-tu entamé ta réflexion auparavant ?

Je ne pensais pas au fait de n’être pas sélectionnée, parce que je suis trois fois championne d’Europe et vice-championne du monde en titre. Je pensais quand même l’être. Mais il y avait aussi une option dans ma tête qui disait : « Si je ne suis pas sélectionnée, je ne perdrais pas mon temps et je mettrais en place des projets qui me tiennent à cœur et que j’ai toujours repoussé pour privilégier ma carrière d’athlète ».

C’était ma carrière, ma carrière, ma carrière avant tout. Maintenant, j’aurais le temps de penser à autre chose. C’est un luxe d’avoir du temps pour autre chose que des entraînements, des tests, des déplacements...