Steven Da Costa était hier reçu à l’Elysée en compagnie de tous les médaillés olympiques de Tokyo. Depuis sa médaille d’or, le Français ne cesse de défendre la présence du Karaté à Paris, au point d’en irriter le COJO. Presse nationale et régionale, Touche pas à mon poste avec Hanouna… Il ne rate aucune occasion.
La Ministre a pris parti, une bonne centaine de parlementaires aussi. Mais un seul homme pourra changer la donne : le Président de la République. Quelle(s) stratégie(s) sont, pour l’heure, adoptées pour passer de l’Elysée à l’Olympe ? Le point.
Par Ludovic Mauchien
A l’Elysée, hier, Steven Da Costa s’est fait discret. Ce n’était ni le lieu, ni l’heure de polémiquer. L’idée n’est pas d’énerver le Président, mais de le séduire. Si, pour l’heure, celui-ci n’est pas encore réellement concerné par le cas Karaté, d’autres le sont.
A commencer par la Ministre déléguée aux sports, Roxana Maracineanu, qui s’est interrogée sur l’absence du Karaté aux JO de Paris et a publiquement affirmé qu’elle veut « soutenir et accompagner » Steven Da Costa dans son combat. Elle a d’ailleurs demandé un rapport à la fédération (FFK).
De son côté, celle-ci multiplie les contacts avec les parlementaires. Un rendez-vous avec un ponte du Sénat est d’ailleurs programmé. Dès la mi-août, 114 d’entre eux adressaient une lettre ouverte à Tony Estanguet, président du COJO. Certain(e)s prennent des initiatives individuelles, à l’instar de Monica Michel, députée des Bouches-du-Rhône, qui a lancé une pétition.
Cela sera-t-il suffisant pour convaincre le Président de se pencher sur le dossier et, surtout, de le motiver à faire changer d’avis le CIO et le COJO ? Rien n’est moins sûr. Même si, paraît-il, mieux vaut tard que jamais, le timing est désormais extrêmement serré et surtout, théoriquement, politiquement, publiquement, officiellement, la porte est fermée. Tony Estanguet et Kit McConnell, le directeur des sports du CIO, l’ont réaffirmé haut et fort. Mais, dans le style « mieux vaut tard que jamais », l’espoir fait vivre. Et il a le mérite de faire parler du Karaté.
L’espoir, si ténu, menu et fin soit-il, existe. Pour qu’il perdure au-delà de 2021, il ne faut par contre pas se tromper de stratégie. Il faut aussi et surtout que LE Karaté soit uni, de la base au sommet de la pyramide, qu’il parle d’une voix unie pour un seul objectif : la présence du Karaté aux JO de Paris en 2024.
A la base de la Pyramide, certains profs et entraîneurs sont chauds bouillants pour mener des actions, se mobiliser publiquement pour alerter le grand public et les élus locaux et nationaux. Des idées folles circulent, comme l’idée d’organiser un Kata géant avec plusieurs milliers de pratiquants au Trocadéro avec des clubs venant de toute la France. Une idée qui se décline au plan local également, avec une journée « Karaté Paris 2024 » où chacun irait de sa démo sur la place publique.
Au sommet de la Pyramide, on préfère calmer le jeu et agir discrètement, politiquement correctement, craignant que cela crée un « effet gilets jaunes » dans la tête du Président de la République. L’idée n’est surtout pas de le braquer. Déjà que le Karaté à Paris ne sera jamais un dossier prioritaire si, en plus, il agace l’Elysée, toute action se fera en pure perte.
D’un autre côté, seule une mobilisation publique nombreuse en faveur du Karaté pourra motiver le Président à se pencher sur le dossier. Le sondage réalisé le 5 septembre pour RTL dans lequel 79% des Français regrettaient la suppression du Karaté en 2024, est un bon point (49% d’approbation seulement pour le breakdance).
Mais la question est : quel président ? L’actuel, qui pourrait penser que séduire quelque 200 000 Karatékas ne peut être que bénéfique en vue de l’élection présidentielle d’avril prochain ? Au vu du timing serré, cela paraît judicieux. Les éventuels candidats qui pourront éventuellement être élus ? Rien ne doit être négligé mais il vaut mieux battre le fer tant qu’il est chaud plutôt que de parier sur une promesse de campagne qui ne comptera pas parmi les priorités.
Et, encore une fois, le timing est essentiel. En avril 2022, nous serons à 2 ans des JO. Certes, le Comité olympique européen (donc le CIO) vient de rajouter il y a quelques jours l’escrime et le… breakdance au programme des Jeux Européens 2023, soit juste un an à l’avance. Mais les JO, c’est une autre machine.
Si tant est que la décision se jouera au niveau français, une mobilisation à l’international n’est pas pour autant négligeable. Mais, pour l’heure, mis à part le Fédération marocaine, par l’intermédiaire de son président Mohamed Mouktabil, qui a dressé un courrier à Tony Estanguet mi-août en lui demandant de revoir sa position, les hérauts ne sont pas légions.
En conclusion, le combat est loin d’être gagné. On pourrait même dire qu’il est perdu d’avance. Mais c’était aussi le cas du canoë-kayak en 2000, quand Tony Estanguet et ses coreligionnaires se sont battus pour exister. Y a plus qu’à !