A l’aube du Karate1 de Lisbonne ce week end, décisif pour la qualification olympique en -61 kg, Leïla Heurtault revient sur les différents points clefs de sa carrière qui l’ont conduite jusqu’au plus haut niveau : le Karaté en Guyane, sa rencontre avec Didier Moreau du Samouraï 2000, sa première compétition en métropole…

Par Florian Fournier

Photos : Kphotos


 

Ta rencontre avec le Karaté ?

J’ai commencé dans mon village de Mana en Guyane. A cette époque, il n’y avait pas beaucoup de choix pour exercer un sport en club. Entre majorette et Karaté, mon choix s’est tourné vers l’art martial japonais. Pour mon premier cours, j’ai le souvenir que nous n’avions fait que des jeux, c’était génial. Mais dès le deuxième cours, nous sommes rentrés dans un cours de karaté réel et mon enthousiasme s’est vite effacé. Comme j’étais inscrite, j’ai continué et, petit à petit, j’ai commencé à aimer cette discipline.

Ta rencontre avec Didier Moreau ?

Didier, c’est mon professeur, je lui dois énormément. Cela fait 11 ans que je m’entraine avec lui et, même si j’ai eu d’autres intervenants, Didier reste celui qui me marque le plus. C’est pour cette raison que je reste au Samouraï 2000, pour ce lien si particulier avec mon entraîneur.

Le début de cette rencontre est très particulier. En Guyane, je tape sur Internet sport-étude et je tombe sur le Samouraï 2000 du Mans. Après les avoir contactés, je rencontre Didier aux Championnats de France qui me demande de le prévenir quand je combats pour qu’il puisse m’observer. Devoir auquel j’ai failli puisque j’oublie. En plus, je subis une défaite lamentable au 1er tour. Après celle-ci, je retourne le voir. Il n’était pas très content de ne pas m’avoir vu combattre…

Mais cela n’a pas été préjudiciable. Il m’a demandé d’être la partenaire de deux athlètes du club qui étaient en finale pour les échauffer afin de voir mes qualités. Par la suite, j’ai combattu contre lui, pas du tout apeurée. J’ai vu dans son attitude et son regard qu’il pouvait m’apporter énormément et je pense qu’il a vu dans le mien une force de caractère peu commune.

« TU N’AS PAS FAIT 9000 KM POUR RIEN… LA PROCHAINE FOIS TU TE LÂCHES »

Ta première compétition ?

Je n’ai pas trop de souvenir de la toute première. En Guyane, c’est assez particulier, il n’y a pas grand monde. Par contre, j’ai un très bon souvenir de ma première compétition en métropole. Je devais avoir 14 ans, c’était un championnat départemental et je perds 8-0 au 1er tour.

Ma première réflexion était : « tu n’as pas fait 9000 km pour rien, tu n’as pas abandonné ta famille pour rien, la prochaine fois tu te lâches ». Quelques semaines après, se déroule l’Open Adidas et là, je me suis lâchée. Pour l’anecdote, je ne savais pas faire de coup de poing et mes jambes n’étaient pas terribles. Cependant, au 1er tour, je fais Mawashi geri shudan et je vois que ça fonctionne. Du coup, j’ai reproduit la technique jusqu’à la finale, que je gagne 6-1 contre la championne d’Europe de l’époque.

Ta première convocation en équipe de France ?

Mon premier contact avec l’équipe de France s’est déroulé lors de l’Open Adidas 2010. Alexandre Biamonti est venu me voir et je ne savais même pas qui il était (rires). Il me fait encore la remarque aujourd’hui.

Mais le plus marrant dans cette histoire, c’est qu’à l’époque, j’ignorais que l’équipe de France existait. Pour moi, tout cela semblait farfelu voire irréel. Cependant, mon objectif en venant en métropole était d’être championne du monde. Alors si l’équipe de France était nécessaire pour y parvenir, je devais en être.

Ton 1er titre de championne du monde ?

Lors de mes 1er Championnats du monde en Espoir, j’arrive sans complexe. Après 4 championnats d’Europe où je perds au 1er tour sans mettre un point, je me dis que je ne peux pas faire pire et qu’il faut que je lâche les chevaux.

0 point encaissé pendant la compétition et mon but est atteint. Je suis championne du monde ! Mais j’ai énormément de mal à réaliser sur le moment, étant donné que c’était l’objectif ultime que je m’étais fixée. A tel point que je me suis posée cette question : « mais que vais-je faire maintenant ? ». Mes émotions jonglaient entre la joie, la peur de l’après, la satisfaction du devoir accompli, c’était un vrai chamboulement.

A suivre Gwendoline Philippe