De passage en France cet automne pour dispenser des stages auprès de la JKS et de la FFK, Kagawa shihan, 9e Dan et leader de la JKS, s’est exprimé sur sa vision du karaté et l’avenir qu’il envisage pour ce dernier. Comme sur les tatamis lorsqu’il était à son apogée de compétiteur, Masao Kagawa est direct, dur et frappe fort.
Par Florian Fournier / Photos : D.R.
Traduction : Hannah Johnston
Originaire d’Osaka, Masao Kagawa débute le karaté à l’âge de 17 ans en suivant les traces de son grand frère. L’accompagnant à Tokyo au championnat JKA de l’époque, celui qui pratiquait le baseball va se prendre de passion pour la voie de la main vide et va demander à son frère de lui apprendre cet art martial qui lui colle à la peau aujourd’hui.
Elève d’Asaï sensei, Masao Kagawa l’a suivi lors de l’éviction de ce dernier de la JKA et lorsqu’il créa la JKS. Prenant sa succession à la tête de la JKS au décès d’Asaï, Kagawa continue de développer cette école shotokan et forme ainsi les meilleurs sensei et les meilleurs compétiteurs actuels en intervenant à l’université de Teikyo (Miyo Miyahara, Koji Arimoto, les frères Moto...).
Pensiez-vous devenir expert ?
Loin de là. Mon seul but était de devenir fort en combat. Lorsque j’ai commencé, je pensais juste à devenir quelqu’un de fort et de technique. Tout est arrivé naturellement par la suite.
« MON SEUL BUT ETAIT DE DEVENIR FORT EN COMBAT »
Quel est votre beau souvenir de karaté ?
Bien souvent ce sont les premières fois qui nous restent en tête. Mon plus beau souvenir reste le jour où je suis devenu champion de la JKA pour la première fois en Kumite et en Kata. J’ai commencé le karaté à 17 ans et ce n’est qu’à 30 ans que j’ai connu ce grand succès.
L’important, en Karaté, est de persévérer. En s’entraînant avec conviction et dureté tout vient à soi. Ces deux titres étaient la consécration d’une passion et d’un travail acharné que je continue d’effectuer aujourd’hui.
Vous avez tout connu dans le karaté, champion, entraîneur, expert maintenant. Qu’est-ce qui vous motive toujours autant ?
Le coeur. Apprendre, transmettre le plus possible au plus grand nombre possible mon savoir technique mais surtout philosophique. Je souhaite que les gens pratiquent le Karaté avec le coeur et pas seulement le côté sportif.
C’est important de transmettre le message philosophique et l’état d’esprit du Karaté. Il faut sans cesse rappeler que le karaté se pratique au-delà du sport. Le Karaté apprend à devenir quelqu’un de bien, à être respectueux, à persévérer. C’est pour cela que je continue d’enseigner.
« DO » SIGNIFIE CHEMIN ET ON NE DOIT PAS S’EGARER »
Quel regard portez-vous sur la pratique actuelle ?
La pratique technique se développe correctement. Bien qu’il y ait encore beaucoup de travail à fournir, l’homogénéité technique mondiale est bonne.
Cependant, il y a un point sur lequel le Karaté perd de sa valeur, c’est sur sa mentalité. Je m’explique. Auparavant, le Karaté se pratiquait vraiment avec le coeur, avec philosophie. Aujourd’hui, l’aspect sportif prend une part trop importante dans la pratique. Il faut trouver le juste milieu.
On peut remarquer en compétition que, dans la défaite ou dans la victoire, l’attitude des karatékas est souvent limite. Certains devraient être plus humbles et dignes dans la victoire.
Il en est de même dans la défaite. Il faut rester digne et perdre avec grâce puis se remettre au travail. Critiquer l’arbitrage ou son adversaire ne vous fera pas ressortir plus grand du combat.
J’insiste beaucoup sur le fait que l’on pratique le Karaté-do et non le Karaté. « Do » signifie chemin et on ne doit pas s’égarer.
« IL FAUT LAISSER LE CORPS S’EXPRIMER SANS LE FORCER »
Asaï sensei a apporté son style. Existe-t-il un style Kagawa aujourd’hui ?
Pour ma part, j’axe beaucoup ma pratique sur le mouvement des hanches et l’usage du corps dans son entier pour utiliser les techniques. C’est important d’avoir une maîtrise entière du corps, que ce soit dans les mouvements ou dans les déplacements.
Je m’efforce à rendre tous ces mouvements naturels et non à les exécuter en force. Il faut laisser le corps s’exprimer sans le forcer en ayant comme point de départ les hanches.
Le karaté devient-il de plus en plus populaire ?
A travers mes voyages, je me rends compte qu’il y a de plus en plus de pratiquants et, surtout, qu’ils prennent du plaisir à exercer. Et c’est en ce point que cela est important. Plus les gens aiment ce qu’ils font, plus ils vont en parler et attirer d’autres personnes à découvrir le karaté.
« AUX JO, LE NIVEAU ETAIT TRES BON. MAIS LES REGLES N’ETANT PAS TRES CLAIRES, CELA A EMPECHE CERTAINS DE GAGNER »
Est-ce important que le Karaté redevienne olympique ?
Honnêtement, non ! Le Karaté sportif que l’on a vu aux JO n’est qu’une petite partie de la pratique. Le Karaté, c’est beaucoup plus que ça.
Pour le développer, il serait plus judicieux de mettre en avant le Karaté traditionnel qui enveloppe toute la pratique de l’art martial. Il est important de démontrer toute la technique, tous les fondamentaux du Karaté plutôt qu’une petite partie qui dénature bien souvent le Karaté-do. Le système devrait être repenser pour qu’il soit plus bénéfique.
Qu’avez-vous pensé des JO de Tokyo ?
Le niveau était très bon. Cependant, les règles n’étant pas très claires parfois, cela a empêché certains de gagner. Ceux qui avaient une meilleure technique et qui possédaient une plus grande volonté n’ont pas forcément remporté l’or. Cela dénaturait aussi notre discipline pour le grand public. Je pense notamment à la finale entre Tareg Hamedi et Sajad Ganjzadeh.