Des combats difficiles et mémorables, la triple championne du monde en a disputés quelques-uns. Alignée en +60 kg et en Open, l’Américaine était l’une des plus petites et des plus menues (61 kg) de ces catégories. Et alors ? Championne du monde en 2002, Elisa Au va remporter ses deux autres titres mondiaux en 2004 à Monterrey (Mexique). Mais il lui a fallu battre la Française Laurence Fischer en ½ finale… Elle termine le combat le nez en sang, en prolongation (En Sho Sen)…

Par Ludovic Mauchien / Photos : Denis Boulanger


« Ma ½ finale aux championnats du monde 2004 à Monterrey contre Laurence Fischer a probablement été mon meilleur combat. J’avais déjà combattu et gagné en Open la veille. Cela avait été une journée très difficile. J’avais affronté la championne du monde en titre, la Yougoslave Peric et j’avais aussi eu un combat très difficile en finale contre l’Allemande Ziemer. Le lendemain, j’étais vraiment fatiguée.

J’ai même hésité à m’engager en +60 kg. J’ai discuté avec mon père. Il m’a dit : « tu t’es entraînée très dur. Tu es venue ici pour t’aligner dans deux catégories, pas seulement dans une, alors termine votre travail. Tu t’es préparée pour ça ».

Quand j’ai commencé à m’échauffer et que je suis arrivée sur le tatami, même si j’étais fatiguée, j’avais l’impression que c’était la continuité de la veille. J’avais beaucoup de jus. Je me suis sentie en confiance dès les premiers combats. J’ai gagné facilement ma poule. J’étais très concentrée et j’avais l’impression que rien ne pouvait m’arrêter.

En ½ finale, j’ai dû affronter Laurence (Fischer). Je l’avais rencontrée deux ans auparavant à Madrid et cela avait été mon combat le plus difficile. Je la respectais énormément. J’avais l’habitude de regarder ses vidéos. À l’époque, nous n’avions pas YouTube. Il était difficile de trouver des cassettes VHS des meilleurs combattantes. Elle faisait partie de celles que je regardais. J’étais encore jeune, 23 ans à l’époque.

J’avais beaucoup de respect pour elle mais, en même temps, je savais que je l’avais battue deux ans avant et j’étais dans une bonne dynamique et très concentrée avant cette demi-finale.

C’était toujours difficile d’affronter Laurence parce qu’elle était grande et qu’elle avait une très bonne présence dans le tatami, comme si elle commandait son espace. Ma stratégie a toujours été de mettre la pression, même si c’était difficile pour moi en +60 kg car j’étais l’une des filles les plus petites de la catégorie. Mais ça a toujours été ma stratégie : mettre la pression, combattre à courte distance. J’ai utilisé cette stratégie avec elle.

Pendant les 2 minutes du match, cela a été très serré et nous avons fini à égalité. Il a fallu aller en En Sho Sen (prolongation). Lors du dernier échange du temps réglementaire ou du premier en En Sho sen, elle m’a frappé très fort au visage (elle rit). Je pensais que mon nez était cassé. Ça n’a pas été le cas. Mais il saignait beaucoup. Mais mon état d’esprit, c’était : « Je peux le faire, je l’ai déjà fait. Tu as l’entraînement pour et tu es en confiance ».

Mon sensei m’avait dit une chose avant mon départ pour Monterrey : « quand tu as gagné à Madrid en 2002, tu étais forte, mais tu t’es améliorée en 2 ans. Cela m’a donné de la confiance. Si je doutais de ma victoire en 2002 (peut-être que c’était de la chance, peut-être que j’étais dans un très grand jour…)… Je ne devrais pas ressentir cela en 2004. Je devais être beaucoup plus confiante parce que je m’étais améliorée avec mes 2 années d’entraînement supplémentaires. Ce qu’il m’a dit, je le répétais dans ma tête à chaque combat à Monterrey.

Quand je suis assise sur la table des médecins pour soigner mon nez, je me souviens que je me disais : « tu es meilleure aujourd’hui, tu l’as battue en 2002, tu peux le refaire, tu es entraînée, reste simplement concentrée. C’est juste un point à marquer ». Je suis donc allée en En Sho Sen très confiante.

J’ai utilisé ma signature de l’époque, Gyaku Tsuki. Comme j’étais plus petite qu’elle, je pouvais descendre bas et esquiver ses Tsuki jodan. Il y a eu un échange entre nous deux et je suis descendue pour frapper en Gyaku Tsuki et j’ai marqué. En finale, j’ai battu une autre combattante incroyable, Vanesca Nortan (Pays-Bas). Mais j’ai choisi cette ½ finale contre Laurence parce qu’elle était une combattante très forte et j’ai beaucoup de respect pour elle. Si on regarde les palmarès, elle et moi étions les meilleures +60 kg de cette époque (Fischer a été championne du monde en 1998 et 2006) ».

 

Elisa Au Monterrey podium