Avec 5 médailles -deux en or, trois en bronze et aucune en Kumite masculin-, la France n’affiche pas le meilleur bilan de son histoire, loin sans faut, à l’occasion des Championnats d’Europe qui se sont déroulés à Novi Sad du 10 au 13 mai. Yann Baillon, le directeur des équipes de France, revient sur les performances tricolores en combat en rappelant que l’objectif, ce n’était pas cette compétition.

Par Ludovic Mauchien à Novi Sad (Serbie)

Photo : K-Photos


 

Que retires-tu en premier lieu de ces Championnats d’Europe ?

Un bilan mitigé. D’un point de vue uniquement mathématique, on peut dire que c’est positif. On termine 4e nation au final (Ndlr : soit un meilleur classement que l’an passé). Si on creuse un peu plus, il y a forcément de la déception dans les catégories individuelles. Il y a quand même pas mal d’athlètes qui ont perdu assez rapidement.

Après, par rapport à ce que l’on avait défini comme priorité et comme objectif à ces Championnats, c’est-à-dire former des jeunes, je trouve que le contrat est pas mal rempli. On l’a vu avec l’équipe fille hier. Donner confiance à certains, renforcer le leadership dans des catégories olympiques, on l’a vu avec Anne-Laure (Florentin) et Lucie (Ignace). Mais il y a encore beaucoup de petits réglages à faire, notamment pour les Championnats du monde, qui seront une compétition particulière parce que c’est l’ouverture du ranking avec un gros coefficient.

On a préparé ces Championnats d’Europe comme un Karate 1. Si l’on regarde le bilan des individuels, on est dans la moyenne de ce que l’on a fait toute l’année, à savoir deux titres.

Chez les filles, mais chez les hommes, il n’y a aucune médaille…

Oui, oui, tout-à-fait. C’est une déception. Mais on sait aussi qu’il y a du potentiel. Des athlètes sont passés à côté. C’est à nous d’identifier les raisons. Je pense qu’ils ne sont pas bêtes. Beaucoup savent que ce championnat d’Europe « compte pour du beurre » au niveau des qualifs olympiques. Je pense que beaucoup savent, qu’à partir de septembre, ça comptera pour les Jeux, Championnats du monde en tête. Est-ce qu’ils n’ont pas levé le pied sans le vouloir ?... Mais il n’y a pas que ceux-là. Il y a aussi ceux qui n’étaient pas à leur niveau. Il faut que l’on discute avec les athlètes et entre nous pour faire un diagnostic et trouver des solutions pour pouvoir répondre assez urgemment à ces types de défaillance.

Es-tu un peu inquiet ?

Non, je ne le suis pas. Je le serais si, toute la saison, les garçons n’avaient pas performé et avaient été mauvais. Sauf qu’il y a eu des résultats sur toutes les sorties internationales. Ils se sont placés et même, par moment, plus que les filles. Après, sur le championnat d’Europe, ils sont certes passés à côté.

On peut dire que sur ce championnat, on peut être inquiet. Pourquoi les garçons n’ont rien fait par rapport aux filles ? Mais, encore une fois, sur la saison, il y a des satisfactions. L’objectif cette année était d’être régulier sur les compétitions, ce que l’on a réussi à faire. L’objectif a été atteint.

Sur ces Championnats d’Europe, il n’est pas atteint puisque l’on aurait effectivement préféré plus de résultats. Il faut aussi respecter ce que l’on dit et les objectifs que l’on se fixe. Il faut respecter le discours que l’on donne aux athlètes. On n’a pas priorisé le championnat d’Europe. Le message que l’on a envoyé n’était pas de tout casser. Il sera forcément différent aux Championnats du monde.

Parmi les satisfactions, outre Anne-Laure Florentin, Lucie Ignace remporte un 3e titre. Dans cette caté des -61 kg si intense, cela signifie-t-il qu’elle se positionne comme la leader ?

Non ! Cela veut dire que Lucie est à son niveau. On le sait et c’est pour cela qu’on l’a sélectionnée. Elle a beaucoup d’expérience. C’est une fille qui est très, très forte sur les gros championnats. Maintenant, il faut avoir une régularité sur les deux ans à venir. Lucie se place comme la leader de la caté, mais d’autres filles peuvent prétendre à la sélection olympique. On a une caté très riche. C’est le choix du roi.

Par contre, au niveau déception, on peut citer Mehdi Filali. Penses-tu qu’il a appris sur ces Championnats d’Europe ?

On apprend toujours quand on perd. Vues sa réaction et les discussions que j’ai eues avec lui après, je pense qu’il a appris. L’avenir nous le dira. Ce que l’on redoutait pour certains, c’est que la jeunesse, le manque d’expérience, la pression à gérer a été un peu trop forte. On l’a vu avec les filles de l’équipe Kumite. C’est exactement le même constat que pour Mehdi. Elles perdent en n’étant pas du tout à leur niveau. Elles étaient crispées. Elles ont montré un mauvais visage contre les Italiennes mais, contrairement à Mehdi, elles ont eu la chance d’être repêchées. Et petit à petit, elles ont pris confiance et elles se sont libérées quand il le fallait contre les Turques (pour la médaille de bronze).

Mehdi aurait pu avoir le même parcours mais il n’a pas eu la chance d’être repêché. C’est dommage. Mais c’est le jeu. On n’est pas déçu de Mehdi parce que l’on sait ce qu’il vaut, on sait qu’il est jeune (18 ans). On a pris le risque de le lancer. On espère que cela lui a mis une petite baffe et qu’il va appréhender les compétitions différemment.

La plus grande déception, ne serait-ce pas Steven Da Costa ?

Ouais… C’est une grande déception parce que l’on attend toujours beaucoup, beaucoup de lui. C’est un peu le garçon qui tire les autres vers le haut et qui redore un peu le blason de l’équipe de France masculine. Mais, moi, je ne peux pas être déçu. Je suis déçu pour lui, je suis déçu parce que c’est une médaille en moins mais cela reste assez égoïste.

On connaît son potentiel. Je sais aussi le travail qu’il effectue et la progression qu’il a eue en termes de préparation. Il a un suivi diététique qui fait qu’il est au poids avant toutes les compétitions. C’est une rigueur de malade qu’il n’avait pas avant. Il a énormément progressé. Il l’a fait de lui-même. Il a beaucoup travaillé là-dessus, pareil pour la prépa physique. Il n’en faisait pas. Il a un programme de malade qu’il suit à la lettre.

Il était aussi beaucoup sur un Karaté champagne, avec ses techniques à lui. Il a rajouté beaucoup d’ingrédients. En poing, il est devenu bon, alors que ce n’était pas ça. Il avait un bras avant et que des jambes. Il a alimenté son Karaté. Maintenant, il doit trouver l’alchimie. Ce n’est pas évident. Il faut qu’il mette les choses dans les cases pour que cela marche. Ce la ne se fait pas du jour au lendemain.

Je pense qu’il est toujours en recherche de repères mais, au vu de son potentiel, de toutes ses qualités, du travail qu’il a fourni, je ne peux pas être déçu. On sait tous que son potentiel est énorme. Les gars de sa caté sont très motivés quand ils prennent Steven mais ils ont aussi le trouillomètre à zéro. L’important, c’est qu’il se qualifie pour les Jeux, pas qu’il performe à ce championnat d’Europe. Il a de la concurrence. Il faut qu’il se positionne et soit régulier.