Ko Hayashi et Hideto Nakano ont tous les deux été champions du monde dans les années 80. Ils sont aujourd’hui Head coach de l’équipe nationale et Head coach de l’équipe féminine.

Arrivés depuis mardi à Paris, ils s’envoleront directement pour Dubaï début février avec leurs athlètes. Nous les avons rencontrés à leur hôtel. Critique des Mondiaux, nouveau plan de préparation, l’entraînement… Ils nous racontent le Karaté japonais en route vers ses Jeux olympiques.

Par Ludovic Mauchien / Photos : DR / Kphotos


 

Hideto Nakano se souvient de Mohammed Khatiri, qui lui avait donné du fil à retordre vers son titre de champion du monde en 1986 (-60 kg). Ko Hayashi parle de son adversaire français dans un grand sourire : « Thierry Masci, c’est mon ami ». Le Français l’a battu en ½ finale des Mondiaux 1986. Le Japonais a été champion du monde en 1988 et 1992 (-75 kg). Mais, en ce mercredi d’hiver pluvieux, c’est en boss de l’équipe nationale japonaise qu’ils s’expriment, avec sincérité, humour, délicatesse. Et, ô surprise, l’heure est à la remise en question.

1ère nation aux Championnats du monde de Madrid en novembre, avec 10 médailles (4, 4, 2), le Japon sait qu’il doit surtout ce leadership au Kata (4 médailles, 3 en or). Côté Kumite, Seule Miyahara (-50 kg) a récolté l’or. Même avec leurs 6 médailles (3 argent, 2 bronze), les combattants japonais reculent à la 3e place, derrière l’Iran et la France (2 ors). Un tel bilan en ferait rêver plus d’un mais, à un an et demi des Jeux olympiques de Tokyo, le Japon ne peut s’en satisfaire.

Le premier à être interviewé est Hideto Nakano, 6e Dan Goju ryu, en charge de l’équipe féminine. A la première question, « êtes-vous content des Mondiaux de Madrid ? », la réponse fuse : « non ! », éclat de rire. Puis le head coach reprend son sérieux : « nous espérions plus de médailles d’or, Kayo (Someya), Ayumi (Uekusa)… Nous avions préparé un Game plan avec Kayo mais elle n’a pas pu le mettre en place. Elle n’a pas réussi à attaquer. Son timing n’était pas bon. Elle perd au 1er tour (contre Semeraro). Quant à Ayumi, elle a fait un bon combat en finale contre une adversaire qu’elle a combattue de nombreuses fois (Chatziliadou). Mais celle-ci a complètement changé sa façon d’attaquer. Et, pour la finale par équipe du Kumite féminin, nous ne connaissions pas assez les Françaises. Elles sont jeunes. Ce sont des nouvelles et nous n’avions pas beaucoup d’informations sur elles ».

L’avis de Ko Hayashi, le Head Coach de l’équipe nationale, 7e Dan Wado ryu, est tout aussi critique sur la performance madrilène de ses troupes. Dans un calme très olympien (ou asiatique), il assène : « Ces Championnats du monde ont été compliqué. La plupart de nos meilleurs combattants ont été rapidement éliminé. Araga perd au 1er tour. J’ai été choqué ! Kagawa perd au 1er tour. J’ai été très, très choqué ! L’équipe masculine perd au 3e tour, j’ai été choqué ! Uekusa perd en finale, j’ai été très choqué ! Sans oublier Shimizu en Kata. La conclusion est que notre système d’entraînement n’est pas bon. Nous ne disposons pas d’assez temps pour nos camps d’entraînement. Nous allons changer notre organisation et, dès avril, nous modifions notre fonctionnement ». Ca, c’est de la remise en question ! Publique en plus ! Chapeau bas, Senseï !

Résumons, jusqu’à aujourd’hui, jusqu’en avril donc, l’équipe nationale se réunit (seulement) 2 fois par an en camp d’entraînement, l’un de 3 jours, l’autre de 6 jours. Ceux-ci se déroulent à « l’Ajinomoto National Training Center », l’INSEP en version 3.0, bref puissance 10. Un centre ultra-moderne avec les moyens idoines. Mais ce n’est que 2 fois par an. Le reste du temps, les athlètes s’entraînent dans leur université. Pour les compétitions, ils sont (juste) convoqués pour un mini-stage de 2 jours au préalable.

Ce qui va changer : « Nous allons réunir les athlètes pour un stage de 7 jours (et non plus 2) avant les compétitions », explique Ko Hayashi. « Nous allons aussi développer la communication entre les coachs et les athlètes dans leur quotidien à l’université ».

L’heure est à la montée en pression. L’Open de Paris Premier League (25-27 janvier) ouvre le bal. « C’est la première compétition de 2019 », souligne Hideto Nakano, « je veux savoir où en sont les athlètes afin de planifier une préparation personnalisée pour chacun d’entre eux. Nous allons suivre tout le monde ».

Ko Hayashi se vaut très ambitieux : « chez les hommes, chacun de nos compétiteurs peut gagner l’or. C’est le challenge. Nous visons l’or. Nous voulons gagner bien sûr. Le Karaté a énormément changé. Le niveau de nombreux pays s’est beaucoup élevé. C’est de plus en plus difficile de remporter l’or ». Certes, cependant le Japon a terminé 1ère nation lors des trois derniers championnats du monde. Et il est en route pour Tokyo…

 

CITATIONS

Si je dis Tokyo 2020…

Ko Hayashi : « Bien sûr que mon rêve serait de remporter toutes les médailles d’or (il rit). C’est un immense challenge ! Nous devons nous montrer courageux. Mais nous ambitionnons d’en remporter plusieurs ».

Hideto Nakano : « Nous devons remporter des médailles d’or. Je ne sais pas combien mais nous nous concentrons uniquement sur les médailles d’or ».

 

Un champion, c’est quoi ?

Ko Hayashi : « Je pense que la force mentale est la première qualité d’un champion. La technique et le physique, que je mets tous les deux au même niveau, sont des éléments importants mais savoir se concentrer, respirer, se surpasser, ne jamais abandonner, est essentiel ».

Hideto Nakano : « Le plus important, c’est l’esprit, le cœur. La technique et le physique sont aussi des éléments importants, bien sûr, mais, pour parvenir à « Shin Gi Tai » (l’unité de l’esprit, de la technique et du corps), cela passe par l’esprit donc le cœur. Le style de Karaté n’est pas important. La personnalité l’est plus. On peut changer le style, pas la personnalité ».