Il est de ces karatékas dont on ne veut pas manquer les combats. Avec lui, le frisson est garanti, le spectacle aussi. N°2 mondial (-75 kg) derrière son pote et adversaire n°1, Rafaël Aghayev, l’Ukrainien Stanislav Horuna, 29 ans, est l’un des favoris à la médaille d’or aux Championnats d’Europe de Novi Sad (10-13 mai). 3e des Mondiaux 2014, il est double médaillé d’argent européen (2014, 2017), vainqueur des Jeux Mondiaux 2017 et comptent 15 podiums en Premier League dont six succès. Avocat dans le civil, Stanislav Horuna se découvre : son quotidien, sa vision du Karaté, ses ambitions…

Par Ludovic Mauchien / Photos : K-Photos

Son Karaté exprime la joie. C’est la surprise, la diversité, la technicité, l’art du Go No Sen et du Sen No Sen. Bref, on s’éclate à voir Stanislav Horuna combattre, surtout quand c’est contre son copain et rival n°1, le quintuple champion du monde Rafaël Aghayev.

L’an passé, en finale aux Championnats d’Europe de Kocaeli, c’était l’Italien Busa qui lui barrait la route du titre. Tous les trois ne cessent de croiser le fer depuis une décennie. Ils forment d’ailleurs le trio de tête du ranking olympique (-75 kg) avant ces Championnats d’Europe à Novi Sad (10-13 mai).

C’est dans sa ville natale de Lviv, grande cité de 730 000 habitants dans l’Ouest de l’Ukraine, que notre champion exerce ses deux métiers. Le premier, c’est avocat, le deuxième, c’est pratiquant de Karaté. 3e des Mondiaux 2014, double finaliste européen (2014, 2017), vainqueur des Jeux Mondiaux 2017, Stanislav Horuna est en route vers la gloire.

Comment se déroule ton entraînement en Ukraine ? A quoi ressemble ta vie ?

Je m’entraîne généralement une fois par jour. J’essaie de m’entraîner tous les jours mais ce n’est pas toujours possible pour moi à cause de mon travail et de toutes ces nombreuses compétitions. Je suis parti presque chaque week-end. Les vendredi, samedi et dimanche, je ne suis pas à la maison pour m’entraîner. Donc, la plupart du temps, je m’entraîne trois à cinq fois par semaine. Ce n’est peut-être pas suffisant pour le sport professionnel (il rit).

Quel est ton métier ?

Je suis avocat. Je travaille sur les taxes et les lois administratives. Mais, au cours de ces deux dernières années, j’ai un peu stoppé mon activité professionnelle pour me concentrer davantage sur le Karaté à cause des Jeux Olympiques. J’ai besoin de plus d’entraînement en vue des JO. Mais je dois encore travailler en parallèle. Donc, pendant la journée, je travaille. Le soir, je vais au Dojo et je m’entraîne pendant 1h30.

« QUAND J’AI RENCONTRE MON COACH, C’ETAIT UN JOUR DE CHANCE »

Est-il envisageable que tu puisses devenir professionnel du Karaté ?

Je ne le pense pas, parce que les membres de l’équipe nationale ne reçoivent pas de salaire de la fédération ou du ministère. Ce qu’ils nous versent n’est pas suffisant pour vivre. Et, en plus, nous dépensons notre argent pour les compétitions. On se doit donc de trouver le moyen de gagner de l’argent (il sourit). Bien sûr, j’aimerais pouvoir devenir professionnel. Si c’était le cas, je pense que je gagnerais plus souvent.

Le fait que le Karaté devienne sport olympique a-t-il changé quelque chose en Ukraine ?

Oui. Depuis que le Karaté est devenu olympique, l’attention des médias à notre égard est beaucoup plus importante. Nous avons reçu plus de soutien financier du Ministère. Le Comité Olympique Ukrainien suit nos résultats et nous soutient aussi financièrement. Ils essaient de populariser notre sport. Et ça fait du bien ! Cela fait se sentir beaucoup plus important (il rit).

Pourquoi le karaté ?

Je ne sais pas… Ce n’est pas mon choix à la base. J’avais 13 ans. Je cherchais quelque chose à faire. C’est comme ça que j’ai commencé, juste pour passer mon temps et dépenser mon énergie d’enfant (il sourit). Aujourd’hui, je suis arrivé au top niveau mondial. Le jour où j’ai frappé à la porte de mon Dojo et rencontré mon entraîneur, Anton Nikulin, c’était un jour de chance. J’avais essayé différents sports comme le Taekwondo, le Judo... Je cherchais quelque chose qui me correspondait, je cherchais un bon entraîneur. Je l’ai trouvé.

Pourquoi as-tu arrêté les autres sports ?

Parce que le discours des entraîneurs n’était pas d’un niveau approprié. Je n’ai ressenti vu aucune ambition chez ces entraîneurs, aucune responsabilité dans la manière dont ils faisaient leur travail. Quand je suis entré dans le Dojo d’Anton, j’ai senti que cet homme donnait (et donne toujours) tout ce qu’il pouvait dans l’entraînement, il donnait toute son énergie pour les enfants, il travaillait d’une manière intéressante, pas typique ou standard comme d’autres font. Six mois après, j’ai amené mon frère au Dojo.

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« IL N’EXISTE AUCUNE LIMITE A VOTRE CREATIVITE EN KARATE »

Qu’aimes-tu particulièrement dans le Karaté ? Quel est ton « trip » ?

D’autres sports, à certains égards, sont limités. Le Karaté est universel. Il n’existe aucune limite à votre créativité. Pendant le combat, vous pouvez faire ce que vous voulez. Nous avons beaucoup de techniques, beaucoup de choses à explorer. L’escrime est limitée, la boxe est limitée, le judo est limité, le taekwondo est limité. Mais le Karaté nous donne l’opportunité de créer quelque chose de nouveau. C’est aussi ce qui est intéressant dans le Karaté. C’est un jeu. Vous jouez avec la distance, avec la réaction de votre adversaire, avec les mouvements, avec les positions, avec beaucoup, beaucoup de choses.

Quel est ton spécial ? Et pourquoi cette technique ?

Pour moi, la technique n’est pas importante. Quand je combats, je cherche le bon moment, le bon timing. Toute technique peut être impressionnante ou spectaculaire si vous la faites au bon moment. Cela suffit pour gagner le combat. Vous avez besoin d’un seul instant juste pour marquer. Donc le timing est, pour moi, est plus important que les techniques.

Mon moment préféré est quand je piège mon adversaire alors que celui-ci n’est pas prêt, quand j’attaque et qu’il ne peut même pas faire un geste ou s’échapper. J’aime cet instant où l’adversaire ne comprend pas ce qui se passe. Ce sentiment est... C’est mon préféré (il sourit).

Qui sont tes modèles, tes champions préférés, tes inspirations ?

Je n’en ai pas vraiment. Quand j’étais plus jeune, à 18-19 ans, je regardais les combats des autres athlètes. Je n’en faisais pas des idoles. Je voulais plutôt les battre. Je voulais les affronter sur le tatami et gagner le combat. C’était mon objectif.

Parfois, je ne me souciais même pas du résultat final de la compétition. Si je voyais un athlète fort dans ma catégorie, je voulais le battre. J’étais comme un chasseur de têtes. Je me fichais des médailles. Je ne me souciais que d’une personne précise.

« IL ME MANQUE DE MEILLEURS CONDITIONS »

Que te manque-t-il pour atteindre un niveau supérieur ?

De meilleures conditions. J’ai besoin de plus de temps à consacrer au Dojo, plus de temps pour élaborer des tactiques et travailler des techniques. Parce que j’ai beaucoup d’idées mais pas assez de temps et d’énergie pour les affiner correctement.

Quel est ton adversaire le plus dangereux ? Toi-même ?

Ouais ! (Il rit) Parce qu’il n’y a que moi qui suis responsable des défaites. Je pense que je peux battre tout le monde dans ma catégorie mais, parfois, mon corps me stoppe à cause d’un manque d’entraînement, je pense. Quand tout va bien -pas de blessure ou autre-, je ne vois pas de problèmes pour moi (il rit), je peux gagner contre n’importe qui. Je sais ce qu’il faut faire contre eux mais, parfois, mon corps ne m’écoute pas.

Qu’aimes-tu faire en dehors du Karaté ?

J’adore pratiquer tout ce qui sport extrême, comme le snowboard, le parachutisme... Toute activité qui vous fait ressentir des émotions fortes. J’adore ! Je suis accro à l’adrénaline. Sinon, bien sûr, je vais aussi au cinéma, comme tout le monde. Et J’aime beaucoup jouer à l’ordi.

Quelles sont tes ambitions pour ces Championnats d’Europe ?

Les deux événements les plus importants de l’année sont ces Championnats d’Europe et les Mondiaux en octobre. Je me prépare donc pour les deux. Mais le calendrier est également rempli de Premier League et de Série A. C’est une année folle.

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« JE TIENS A AFFRONTER RAFAEL. NOUS ATTENDONS TOUS LES DEUX CE MOMENT »

Et le classement olympique ? Ce n’est pas important ? 😊

Tout le monde veut être dans le jeu, aux Jeux (il sourit). Cela commencera réellement en septembre prochain mais tout le monde se bat déjà depuis le début de l’année pour être bien classé. Comme on peut le voir, maintenant, tout le monde est sérieux concernant les Premier League, pas comme avant. Le niveau a augmenté. Mais je ne suis pas sûr que tout le monde puisse battre tout le monde. Certaines personnes sont toujours devant, comme Rafaël Aghayev (il rit). Tout le monde sait ce qu’il va faire, mais personne n’arrive à le contrer.

Pourquoi pas toi ?

Je peux, je peux, mais le destin m’a arrêté avant plusieurs finales. Je tiens à l’affronter mais... Nous sommes de bons amis, et sur le tatami, je pense que nous pouvons faire des combats intéressants pour le public. Nous attendons tous les deux avec impatience ce moment (il rit), le moment où nous nous rencontrerons en finale et faire un super combat.

Que pouvons-nous te souhaiter ?

Une finale contre Rafael aux prochains Championnats du monde (il rigole).

Si tu avais un conseil à donner à un enfant, un adolescent qui rêve de devenir un champion, quel serait-il ?

Mon conseil serait du style : « choisis le sport que tu as vraiment envie de faire. Et, quand tu pratiques, tu dois décider par toi-même ce que tu attends de ce sport. Fixe tes objectifs et vas-y lentement. L’idée principale est que l’on doit savoir ce que l’on attend de notre pratique.

LM Horuna OK