Ils sont professeurs de clubs, coachs d’équipes nationales, professionnels ou bénévoles. Ils sont le poumon, le cœur battant du karaté. Nous leur donnons la parole dans une série d’interviews. Comment voient-ils et vivent-ils la décision de ne pas autoriser le Karaté aux JO 2024 ? Quelles conséquences ? Comment s’organiser ?... 6e épisode, Walid Slimani, professeur au SPN Vernon (220 licenciés) de Julien Caffaro, Mehdy Cecina…

Par Florian Fournier

Photo : D.R


 

Comment as-tu perçu la décision du COJO ?

Cette décision, je l’ai vécue comme la majorité des karatékas. C’est un vrai choc pour moi, dans le sens où il n’y a pas de logique. Le karaté fait son apparition aux JO en 2020, puis disparaît sans même avoir eu le temps de démontrer son savoir-faire, c’est totalement énigmatique.
Ensuite, c’est l’annonce des sports proposés qui m’a surpris. Comment des sports qui sont, d’un point de vue fédéral, inférieur au karaté sur le plan national peuvent avoir autant d’importance aux yeux du COJO ?
Enfin, il faut souligner que Monsieur Estanguet vient d’un sport qui, sans les JO, ne lui aurait pas permis d’exister et, aujourd’hui, il se place en la faveur de sports qui n’ont pas besoin des JO pour exister ou qui n’ont jamais réellement eu l’envie de les intégrer, contrairement au Karaté. La mise à l’écart d’un sport universel comme le Karaté est une aberration.

Selon toi, quels éléments ont-ils pu faire basculer la balance ?

Il faut dire les choses comme elles sont. La partie financière est aujourd’hui un élément important et ces disciplines représentent peu de coût au niveau des infrastructures et, foncièrement, amène de la plus-value. Si on ajoute à cela les sponsors qui sont plus importants dans ces disciplines que dans la nôtre, il nous est difficile de lutter ainsi contre elles sur cet aspect.
De plus, et c’est une auto-critique que je vais émettre, le côté spectaculaire, du moins attractif, est plus important chez eux que chez nous.
La raison est simple, le règlement du karaté change très souvent, nous-mêmes les coachs et athlètes avons du mal à comprendre parfois les règles, ce qui doit être pour un non-initié une véritable énigme à déchiffrer.

« RENDRE NOTRE PRATIQUE PLUS ACCESSIBLE ET SPECTACULAIRE »

Que doit faire le Karaté pour rester olympique ? Persévérer à s’adapter aux exigences du CIO ou se recentrer sur lui-même ?

Le Karaté a pleinement sa place aux JO. D’un point de vue technique, notre discipline est très variée. Sur le plan des valeurs, on colle parfaitement à celles prônées par l’olympisme. Cependant, pour s’installer dans cette sphère, nous devons démocratiser notre discipline. En tant que 14e discipline nationale, trop peu de gens connaissent le Karaté.
Pour cela, le Karaté a besoin de plus s’implanter dans les écoles, faire peut-être plus d’événements autour du Karaté ou, du moins, participer à plus d’événements qui peuvent nous permettre de faire découvrir la discipline.
Puis, nous devons rendre le Karaté plus spectaculaire. On a la chance d’avoir aujourd’hui Steven Da Costa, et Rafaël Aghayev avant lui, qui ont un Karaté spectaculaire, qui peuvent faire avancer la discipline mais que l’on brigue avec le règlement.
D’avoir un règlement trop spécialiste fait diminuer l’accessibilité de la discipline aux tierces personnes et fait, qu’aujourd’hui, on ne soit pas installé confortablement aux JO. Valoriser le côté spectaculaire du Karaté nous ferait le plus grand bien.

Quel regard portes-tu sur la mobilisation et les actions mises en place depuis l’annonce du COJO le 21 février ?

Très honnêtement, je ne suis pas très optimiste concernant un revirement de situation, même si je l’espère fortement. On a vu Monsieur Espinos (président de la WKF) et Monsieur Didier (président de la FFK) rencontrer les membres du COJO pour faire changer la donne et cela n’a pas forcément eu l’impact que l’on désirait.
Maintenant, il reste un espoir donc il faut se battre jusqu’au bout et si cela doit bouger, la décision ne se fera que par la mobilisation de tous les pratiquants. Si une discipline qui compte plus de 100 millions de pratiquants à travers le monde s’active dans le même sens, le risque d’être entendu est élevé.
Si le Karaté montre son unité, qui lui a souvent été reproché de par ces différents styles, ces différentes écoles, la force de décision sera plus grande et plus importante. Avant toute chose, nous sommes tous des pratiquants, des amoureux de cette discipline et de ses valeurs. Si nous montrons notre unité, l’olympe nous ouvrira ses portes.